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Algérie: la fin des subventions aux produits de base, un mal nécessaire qui inquiète

La fin prochaine des subventions aux produits de base suscite des craintes en Algérie, même si les économistes y sont tous favorables, à condition que le dispositif de compensations soit bien conçu.

Confrontée depuis 7 ans à une chute de ses revenus d’hydrocarbures, l’Algérie a décidé la semaine dernière de renoncer à un système d’aides qui engloutit des milliards de dollars chaque année, tout en promettant de continuer à soutenir les plus défavorisés.

Les députés ont ainsi approuvé mercredi un article de la loi de finances pour 2022 ouvrant la voie à la suppression de ces subventions qui bénéficient à tous les ménages, indépendamment de leurs revenus. Le système sera remplacé par des mesures compensatoires ciblant les couches les plus modestes.

« C’est une catastrophe. Déjà qu’avec les prix actuels, nous avons du mal à joindre les deux bouts… », s’inquiète Hafidha, mère de deux enfants, rencontrée par l’AFP au marché Réda Houhou (ex-Clauzel) au coeur d’Alger.

« Les prix du sucre, l’huile, l’eau, et des carburants vont certainement augmenter », redoute aussi Rabah, un retraité dont la pension mensuelle n’excède pas les 50.000 dinars (318 euros).

Le budget pour 2022 prévoit encore l’équivalent de 17 milliards de dollars de transferts sociaux, dont les mesures compensatoires et les aides à l’éducation, la santé, le logement et à la famille, contre entre 30 et 40 mds par an sur la période 2012-2017.

Dans un supermarché à Alger, le 21 novembre 2021 (AFP – Ryad KRAMDI)

Les subventions s’étaient substituées, lors du passage à l’économie de marché dans les années 90, au système de contrôle des prix, hérité de l’économie planifiée adoptée à l’indépendance du pays en 1962.

Les prix des fruits et légumes ont connu une flambée ces dernières semaines. Celui de la pomme de terre a momentanément triplé à 140 dinars (0,90 euros) contre 40 dinars, sous l’effet d’une pénurie de cet aliment essentiel en Algérie. Une pénurie due à un trafic de spéculateurs démantelé par les autorités.

– « Plus les moyens » –

Pendant des années, l’Algérie a pu maintenir la paix sociale en finançant son système d’aides grâce à la manne d’hydrocarbures, d’où elle tire plus de 95% de ses revenus extérieurs et environ 60% du budget de l’Etat.

Avec la chute des cours, « l’Etat n’a plus les moyens d’une politique sociale aussi généreuse et indifférenciée », analyse pour l’AFP l’économiste Omar Berkouk.

« Tous les experts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) ainsi que les économistes ont attiré l’attention sur la nécessité de les réduire en ciblant mieux les destinataires », rappelle-t-il.

Début octobre, le FMI a ainsi appelé l’Algérie à « recalibrer » sa politique économique et mener des « réformes structurelles ».

De précédents gouvernements avaient envisagé un ciblage des subventions notamment fin 2015, et en 2017 quand l’actuel chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune était Premier ministre.

« C’est l’ex-président défunt Abdelaziz Bouteflika qui a empêché toute action dans ce sens. Il avait en tête de briguer un cinquième mandat », explique M. Berkouk.

Dans un supermarché à Alger, le 21 novembre 2021 (AFP – Ryad KRAMDI)

Vice-président du parti Jil Jadid (nouvelle génération), Zoheir Rouis, estime que la suppression des subventions ne doit pas être « une fin en soi mais un levier supplémentaire pour optimiser davantage la dépense publique ».

« Quelle que soit la forme de redistribution de la rente, la gouvernance (l’Etat, ndlr) doit changer de paradigme et préparer sa sortie de l’économie », a estimé le consultant Mohamed Said Kehoul, cité dimanche par le quotidien francophone El Watan.

Le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane a assuré devant les députés que le gouvernement n’entendait « nullement renoncer » au système des aides d’Etat.

La réforme vise, a-t-il expliqué, à « orienter les fonds alloués vers les véritables ayants-droit à travers un dispositif prévoyant un ciblage des plus nécessiteux ».

L’économiste Berkouk s’est dit préoccupé de la façon dont seront calculées et attribuées les compensations. « Compte tenu de la sphère économique informelle, de l’absence de déclarations de revenus et de patrimoine, il est difficile de bien recenser les personnes qui en ont besoin », a-t-il mis en garde.

« Les pauvres se voient bien dans la rue mais il n’y a pas d’outils statistiques pour les identifier », a-t-il ajouté, jugeant possible que les consommateurs les plus aisés continuent de « bénéficier de droits indus ».

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