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“Nos maisons s’effondrent tout autour de nous” : en Irlande, un cri d’alerte face aux ravages du mica

Publié le : 17/11/2021 – 17:14Modifié le : 19/11/2021 – 13:19

Entendre un mur qui craque en plein milieu de la nuit : c’est le quotidien des habitants du comté de Donegal, dans le nord-ouest de l’Irlande. Des propriétaires de cette région se sont regroupés et demandent au gouvernement de rénover leurs maisons, qui sont en train de s’effondrer. En cause, des logements construits rapidement, avec des roches très riches en mica, un minéral qui après plusieurs années se fissure, s’effrite, puis devient poussière.

Entendre un mur qui craque en plein milieu de la nuit : c’est le quotidien des habitants du comté de Donegal, dans le nord-ouest de l’Irlande. Des propriétaires de cette région se sont regroupés et demandent au gouvernement de rénover leurs maisons, qui sont en train de s’effondrer. En cause, des logements construits rapidement, avec des roches très riches en mica, un minéral qui après plusieurs années se fissure, s’effrite, puis devient poussière. 

Le mica, un minéral présent à l’état naturel dans les roches des carrières du Donegal, a été retrouvé en quantités excessives dans des blocs utilisés pour la construction de nombreuses  maisons de la région. À l’origine de fissures et autres dommages, il serait responsable d’anomalies dans près de 7 000 maisons. Des propriétaires ont partagé une série de photos et de vidéos de leurs maisons détériorées, afin d’attirer l’attention sur ce problème et de faire réagir les autorités.

“Dans votre lit, la nuit,  vous pouvez entendre les murs se fissurer.”

Michael Doherty est responsable de relations publiques pour le groupe d’action pour le Mica (MAG) qui vise à obtenir des autorités un soutien pour reconstruire les maisons concernées. 

Des morceaux de murs se détachent parfois et certaines maisons ont dû être évacuées parce que l’état de leur structure n’était plus assez sécurisé. Dans ma maison, je peux traverser à main nue le mur extérieur, puis l’isolation jusqu’à atteindre le plâtre plus dur du mur intérieur. C’est dire à quel point les murs sont fragiles.

C’est  franchement effrayant : on peut être allongé dans votre lit la nuit et entendre les murs se fissurer. On espère simplement que ce n’est pas à proximité d’une autre fissure, car si elles se rejoignent, la situation peut être catastrophique. 

Certaines familles finissent par vivre dans une ou deux pièces, du côté relativement plus sûr de leur maison. Notre plus grande crainte aujourd’hui, c’est qu’une tempête suffisamment violente pour faire s’écrouler notre maison ne s’abatte sur la région pendant la période de Noël.

Les lois irlandaises interdisent l’utilisation de matériaux de construction contenant plus d’un pour cent de mica. Mais dans le Donegal, certaines maisons en contiennent plus de 15%.

La plupart de ces maisons ont été construites pendant les années du “Tigre Celtique”, une période de croissance économique rapide entre le milieu des années 90 et la fin des années 2000. L’industrie de la construction était alors en plein boom :  à son apogée, plus 90 000 maisons ont été construites en seulement un an. 

Pour répondre à cette demande grandissante en construction, un certain nombre d’entreprises ont commencé à utiliser des matériaux contenant bien plus de mica que la limite autorisée. 

Les blocs qui posent aujourd’hui problème ont cependant bien passé certains contrôles au moment de la construction des maisons, comme des tests de robustesse. Mais c’est sur le long terme et au gré des conditions climatiques qu’ils se sont dégradés. En effet, le minéral capte l’humidité environnante, ce qui a un impact sur la résistance des blocs utilisés pour construire les maisons et provoque leur fissuration et leur effritement après environ cinq ans,  selon le rapport d’un groupe d’experts publié en 2017.

“Il n’y avait personne pour  réglementer tout cela,   les autorités faisaient confiance aux carrières pour faire ce qu’il fallait.”

Michael Doherty poursuit : 

Les carrières avaient du mal à fournir suffisamment de blocs, alors elles se sont installées dans des zones où la roche était excessivement riche en mica. Il n’y avait personne pour  réglementer tout cela, les autorités faisaient confiance aux carrières pour faire ce qu’il fallait. Mais le problème ici, c’est qu’on ne voit pas ce qui cloche tout de suite. Il faut cinq ou six ans avant que les problèmes de construction ne fassent surface. Puis la situation ne fait qu’empirer d’année en année. 

Le MAG a été créé il y a dix ans, lorsque Michael Doherty et d’autres propriétaires ont commencé à remarquer des fissures dans leurs maisons. Très vite, ils se sont rendus compte que la présence du minéral dans la roche concernait des milliers d’habitations de la région et ont alors décidé de mettre le gouvernement face à ce non-respect de la réglementation sur le mica. 

“ Ma fille ne veut plus dormir dans sa chambre”

Après avoir réalisé que du mica se trouvait dans la maison qu’il a construite pour sa famille, Paddy Diver, un habitant du Donegal, a créé un mouvement citoyen visant à attirer l’attention sur cette question, et qui organise des manifestations publiques et collectes de fonds. 

J’ai toujours gardé cette question dans un coin de ma tête, en espérant que je ne faisais pas partie des maisons touchées par le mica. Je travaille dans la construction depuis mes  16 ans. J’ai construit ma maison il y a dix ans, mais il y a environ quatre ans, les fissures ont commencé à apparaître et à devenir de plus en plus larges. C’est comme si un cancer attaquait notre maison de l’intérieur. Chaque année, ça progresse un peu plus. Aujourd’hui, je peux retirer des  blocs effrités du mur à main nue.

We wait and we wait for the govt decision on November 9th but mica waits for no one

Was called out to see Pamela and Kieran the Masters house in Isle of Doagg. I don’t even think I need to describe the contents of this video, just watch it ?#MicaRedress?️ pic.twitter.com/jdh5Z3itIx

— Paddy Diver (@PaddyDiver4) October 28, 2021


Une vidéo postée sur Twitter le 28 octobre 2021 montre l’activiste Paddy Diver retirant des morceaux de béton d’une maison touchée par le mica. Le matériau se désagrège en poussière. Une vidéo postée sur Twitter montre Paddy Diver s’adressant aux milliers de personnes qui manifestent à Dublin pour obtenir réparation pour Mica.

Je pense que la maison tiendra encore un an, peut-être deux. C’est déchirant. Je rassure mes enfants car je sais que la maison est assez solide, mais les fissures sont terrifiantes. Ma fille ne veut plus dormir dans sa chambre. Nous avons dû déplacer son lit dans notre chambre, car elle a 8 ans et ne se sent pas en sécurité si je ne suis pas dans la pièce. Quant à mon fils aîné, il se réveille à 3 heures du matin parce qu’il ne peut pas dormir à cause des craquements.

En octobre dernier, Paddy Diver et des milliers d’autres habitants du Donegal se sont rendus à Dublin afin de manifester et d’envoyer un message au gouvernement irlandais.

 

Jusqu’à 200 000 euros pour réparer les dégâts 

En 2020, le gouvernement a proposé un programme de réparation permettant aux propriétaires d’être remboursés à hauteur de 90 % de leurs coûts de reconstruction. Mais Paddy Diver et Michael Doherty affirment qu’en pratique,  les propriétaires finissent par devoir payer beaucoup plus que prévu pour réparer leur maison : certains devraient payer de leur poche de 30 000 à 200 000 euros pour réparer les dégâts, et ce, pour des maisons pour lesquelles ils ont déjà contracté des prêts hypothécaires. Les propriétaires doivent en outre débourser plus de 5 000 euros pour effectuer un test de détection du mica avant d’être éligibles.

?That dreadful day has arrived.
The sound of Mica core testing ripping through my once proud family home ?#micaredress @PaddyDiver4 @micaactiongroup pic.twitter.com/jmNkSJQHLO

— Margaret Patton – Plunkett (@PattonPlunkett) September 17, 2021


Une vidéo publiée sur Twitter le 17 septembre 2021 montre un travailleur forant dans une brique pour tester la présence de mica. Une vidéo postée sur Twitter montre Paddy Diver s’adressant aux milliers de personnes qui manifestent à Dublin pour obtenir réparation pour Mica.

Le groupe d’action pour le mica a fait pression sur les autorités pour qu’elles prennent en charge la totalité des coûts nécessaires pour tous les propriétaires concernés et pour qu’elles organisent une enquête publique indépendante afin de déterminer comment les blocs défectueux ont pu être fabriqués et de s’assurer que cela ne se reproduira plus.

Le 21 octobre 2021, une entreprise de construction impliquée dans le scandale, Cassidy Brothers, a reçu l’ordre de fermer l’une de ses usines de béton. Cassidy Brothers, qui était le plus grand fournisseur de blocs dans le comté de North Donegal, a déclaré dans un communiqué en 2018 qu’elle ne  fabriquait plus que des produits à partir de matières premières obtenues via différents fournisseurs. Les carrières de leur côté font désormais l’objet d’un examen approfondi mené par le procureur général d’Irlande.

Le comté de Donegal n’est pas le seul endroit du pays concerné par ce type de problème – des maisons du Mayo et d’autres comtés voisins ont également été construites avec des blocs de mica. Dix mille maisons à travers l’Irlande seraient également altérées par un autre minéral, la pyrite, qui a des effets tout aussi néfastes.

Avec d’autres militants, le MAG plaidera leur cause au Parlement européen le mois prochain.

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