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« Les accords du Touquet permettent à Londres de se soustraire à son devoir d’asile. Le Brexit les a rendus obsolètes »

Chronique. Par temps clair, les falaises de Douvres s’observent toujours à l’œil nu depuis le cap Gris-Nez. Pourtant, cette partie de la carte de l’Europe politique a changé : le Brexit a transformé la Côte d’Opale en frontière extérieure de l’Union européenne (UE). Pour les voyageurs comme pour les marchandises, la Manche n’est plus cette frontière franchie presque sans formalités entre deux pays européens. Pour les migrants, le Pas-de-Calais n’est plus seulement la porte d’entrée incertaine, vaine, voire mortelle vers le Royaume-Uni ; c’est un détroit cadenassé entre deux pays désormais agités par une mésentente cordiale permanente attisée par le Brexit.

Une configuration nouvelle, inédite depuis 1945, qui favorise ce que Paris comme Londres dénoncent en d’autres points de la planète : l’instrumentalisation des migrants pour installer un rapport de force. Les Iraniens, Irakiens, Soudanais ou Syriens… qui tentent de traverser la Manche au péril de leur vie sont devenus des pions dans les négociations sur les multiples contentieux (pêche, commerce, Irlande du Nord) nés du Brexit. Des querelles qui ne seront pas vidées tant que Boris Johnson entretiendra un conflit avec les Européens pour soutenir sa popularité déclinante. Parce que le Channel sépare désormais l’UE du reste du monde, la question des migrations qui s’y déploient n’est plus seulement franco-britannique mais européenne.

Le sujet est d’autant plus crucial que les passages, longtemps peu visibles car concentrés aux abords de l’entrée du tunnel sous la Manche, s’effectuent depuis le début de 2021 en majorité par voie maritime, sur de frêles bateaux gonflables affrétés par des gangs de passeurs. Le verrouillage des abords du tunnel sous la Manche conduit les migrants à s’entasser sur ces « small boats » de plus en plus loin du Pas-de-Calais, et donc pour une traversée de plus en plus périlleuse. Certains sont interceptés par la gendarmerie française ou les gardes-côtes britanniques. Mais la moitié parviennent à destination.

« Bras policier »

Au total, 24 500 personnes ont atteint l’Angleterre de cette façon depuis le début de l’année, contre 8 400 en 2020. Plus de 1 000 passages sont enregistrés certains jours. Un affront aux extravagants accords de Sangatte (2000) et du Touquet (2003), qui font des forces de l’ordre françaises les gardiennes des frontières ferroviaire et maritime du Royaume-Uni.

Pour une partie des Britanniques, la France du pro-européen Emmanuel Macron ferme les yeux sur les traversées de migrants afin de les « punir » d’avoir quitté l’UE. Une rhétorique que Boris Johnson et sa ministre de l’intérieur, Priti Patel, alimentent sans cesse, menaçant de repousser par la force les esquifs des migrants vers les eaux françaises. N’ont-ils pas remporté le référendum sur le Brexit en promettant de « reprendre le contrôle des frontières » ?

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