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Guerre des nerfs entre la Pologne et Bruxelles

Le commissaire européen à la justice, Didier Reynders, lors d’une conférence de presse au siège de la représentation de la Commission européenne à Varsovie, le 19 novembre 2021. WOJTEK RADWANSKI / AFP

Entre Varsovie et Bruxelles, la guerre des nerfs autour de la question de l’Etat de droit continue, et le commissaire européen à la justice, Didier Reynders, en visite les 18 et 19 novembre à Varsovie, a pu constater que les tensions ne sont pas près de s’apaiser. Le ministre polonais de la justice, Zbigniew Ziobro, bête noire de Bruxelles et auteur des réformes au cœur du conflit, a résumé de manière laconique sa rencontre avec le commissaire : « Nous avons eu l’occasion d’échanger nos points de vue et de souligner nos divergences (…). Il y a eu aussi des accents aimables. »

Par « accents aimables », le ministre polonais avait à l’esprit le cadeau qu’il a remis devant les caméras au commissaire : deux photographies de Varsovie en ruine à l’issue de la seconde guerre mondiale – un exemplaire étant destiné à son ennemi de longue date, le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans. « Ces photographies des destructions faites par les Allemands, réalisant l’idéologie de ségrégation des nations, ont une dimension symbolique, a souligné le ministre. Elles montrent que les Polonais seront toujours sensibles au principe d’égalité de traitement des Etats, également au sein de l’UE. » Le commissaire belge en est resté interdit.

La visite de M. Reynders avait un poids particulier, dans un contexte d’âpres négociations en coulisses entre le gouvernement polonais et la Commission européenne. Cette dernière bloque toujours des fonds du plan de relance européen post-Covid dus à la Pologne (36 milliards d’euros), les conditionnant officieusement au respect de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui ordonne la suppression de la chambre disciplinaire de la Cour suprême, perçue comme un outil de répression politique des juges. Depuis le 27 octobre, Varsovie est censé payer un million d’euros par jour pour le non-respect de cet arrêt.

Le message de M. Reynders était à cet égard sans équivoque : se conformer à la décision de la CJUE est « le seul moyen de sortir de la crise ». « Il est normal qu’il y ait des divergences entre un Etat membre et la Commission européenne. Mais ces discussions doivent s’arrêter quand tombe un arrêt de la Cour, a-t-il répété à plusieurs reprises. Si la Pologne ne respecte pas cet arrêt, la Commission appliquera les sanctions financières, car elle en a le devoir. » En vertu de l’arrêt, le pouvoir polonais est aussi censé réhabiliter les juges victimes de cette chambre disciplinaire.

Mais Zbigniew Ziobro, dont le microparti Pologne solidaire (SP) ne voile même plus ses penchants en faveur d’un « Polexit », et qui fort de ses 19 députés à la Diète tient la majorité nationale-conservatrice en otage avec ses surenchères europhobes, n’a au­cunement l’intention de sortir perdant de ce bras de fer. La veille de la visite du commissaire, un juge a encore été démis de ses fonctions par la chambre disciplinaire pour s’être référé directement à un arrêt de la CJUE, contre l’avis du ministère de la justice.

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