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Pologne : comment le piège biélorusse s’est refermé sur des milliers de migrants

Cagoulés et en treillis, souvent sans écusson visible, parfois armés. A la frontière biélo-polonaise, des hommes de main du régime biélorusse ont affiché, début novembre, un attirail aussi trouble que leur mission. Au même endroit se sont massés des centaines d’exilés irakiens, syriens ou libanais, propulsés malgré eux au cœur d’une bataille diplomatique et médiatique entre la Biélorussie et l’Union européenne.

La Pologne dénonce alors une vague de migrants orchestrée par son voisin, qui aurait fait venir par avion jusqu’à son territoire des milliers de candidats à l’exil. Le dictateur biélorusse, Alexandre Loukachenko, dément, mais des vols ont bien été affrétés, et l’obtention de visas « touristiques » a été grandement facilitée.

Principales liaisons aériennes empruntées par les migrants présents à la frontière biélorusse à l’automne 2021.

Selon les gardes-frontières polonais, à la mi-novembre 4 000 hommes, femmes et enfants sont massés à la frontière, malgré la faim, la soif et le froid.

La situation s’est particulièrement tendue autour du poste-frontière de Bruzgi-Kuznica, à l’ouest de la Biélorussie, plusieurs témoignages et vidéos y attestant l’activité d’hommes de main du régime biélorusse.

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Images : MotolkoHelp

Ce 8 novembre, une colonne de plus d’un millier d’exilés marche vers la frontière polonaise, en cheminant sur l’autoroute biélorusse M6.

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Images : Hanna Liubakova

A moins de deux kilomètres du poste frontière, les migrants quittent brusquement la route, et prennent la direction de la forêt. Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent qu’ils se trouvent sous étroite surveillance.

Au moins une vingtaine d’hommes armés, en treillis, sont présents. Sur les images disponibles, aucun d’entre eux ne semble tenter d’empêcher les migrants de se diriger vers cette zone de passage, pourtant illégale.

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Images : Hanna Liubakova

Les migrants progressent dans la forêt. A huit cents mètres au sud du poste-frontière, dans une zone boisée, plusieurs centaines d’entre eux tentent de passer la clôture qui barre l’accès à la Pologne. C’est la plus importante tentative depuis le début de la crise.

Après avoir essayé, en vain, de forcer le passage face aux forces de l’ordre polonaises, les migrants y installent leur campement de misère.

BelTA / via REUTERS

Des images filmées par des journalistes présents sur place, dont la plupart travaillent pour les chaînes d’État russes et biélorusses, documentent leurs conditions de vie : enchevêtrement de tentes, de couvertures et d’abris de fortune, par une température proche de zéro. Certaines images permettent de constater l’omniprésence d’hommes, cagoulés, en treillis, parfois armés.

Leonid Shcheglov / AP

Les jours suivants, le bras de fer diplomatique se poursuit. Le statu quo perdure, et les tentatives de passage – bien souvent infructueuses, tant la frontière polonaise est désormais scellée – se poursuivent de façon éparse.

Dans la nuit du 15 au 16 novembre, des groupes de migrants se mettent à nouveau en marche. « Petit à petit, on a compris que les Biélorusses nous poussaient dans une direction précise », raconte Musa, un migrant kurde irakien de 29 ans.

Le matin du 16 novembre, des centaines de migrants se massent à proximité immédiate du poste-frontière de Bruzgi-Kuznica. Des affrontements éclatent. Des images diffusées en direct sur YouTube par l’agence de presse Ruptly, financée par l’Etat russe, montrent des migrants jetant des projectiles en direction des forces de l’ordre polonaises. Celles-ci répliquent, utilisant des canons à eau et du gaz lacrymogène.

Une borne kilométrique permet de localiser précisément la scène. Elle est aussi visible sur une séquence tournée depuis le côté polonais de la frontière. Diffusée par le ministère de la défense polonais, cette vidéo souligne la présence et la passivité d’un homme cagoulé et armé, du côté biélorusse.

D’autres hommes, à l’accoutrement et à l’attitude similaires, sont visibles sur les images tout au long de la journée.

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Images : Ministère de la défense polonais

Le piège s’est refermé sur celles et ceux auxquels avait été promis un passage facile en Europe. Refoulés et repoussés par les policiers et les militaires polonais, les migrants ne peuvent plus s’éloigner de la zone, ni rebrousser chemin.

Ce 16 novembre, à Bruzgi-Kuznica, les hommes des services de sécurité biélorusses, équipés de leur tenue de maintien de l’ordre, forment une ligne empêchant tout renoncement.

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Images : MotolkoHelp / Ruptly / Belta

Au cours d’un entretien téléphonique avec la chancelière allemande, Angela Merkel, lundi 15 novembre au soir, Alexandre Loukachenko déclarait vouloir assurer le retour des migrants « chez eux ». Un discours auquel a semblé s’opposer l’action de ses hommes sur le terrain. Le 19 novembre, dans une interview à la BBC, le dictateur biélorusse a finalement reconnu qu’il était « tout à fait possible » que ses forces aient aidé des migrants à forcer la frontière polonaise, tout en refusant d’y « regarder de plus près ».

Source

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