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« Près de huit ans après l’annexion de la Crimée, l’Ukraine reste centrale dans l’affrontement géopolitique entre l’Europe et la Russie »

C’est le mystère du moment. Que se passe-t-il côté russe le long de la frontière ukrainienne ? Rien d’inhabituel, nous répondaient la semaine dernière de hauts responsables à Kiev, alors que Washington commençait à sonner l’alarme sur d’inquiétants bruits de bottes.

Les Ukrainiens savent que, à l’issue de leur dernière démonstration de force en avril dans cette zone, où ils avaient massé quelque 100 000 hommes, les Russes avaient laissé derrière eux l’équipement lourd, signe d’un retour probable. Depuis, Kiev est à l’affût de tout mouvement annonciateur de préparatifs militaires hostiles : début novembre visiblement, on n’en était pas là.

Tout a changé le 10 novembre avec la visite à Washington du chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kuleba. La thèse américaine d’une nouvelle concentration de forces russes susceptible de constituer une menace d’invasion est alors devenue le discours dominant, de Kiev à l’OTAN. Perplexes, certains Européens s’interrogent, y compris parmi les plus sensibles à la menace russe : que fait Moscou ? Et que veut Washington ?

La France fait partie des prudents. Elle n’en a pas moins enfourché la théorie du pire et dûment mis en garde le Kremlin, lundi 15 novembre, contre les conséquences d’une nouvelle atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Et au cours du long entretien téléphonique qu’ils ont eu lundi, a fait savoir l’Elysée, Emmanuel Macron a exprimé au président Vladimir Poutine sa « profonde inquiétude » à ce sujet.

Multiplication des crises sur le continent européen

En réalité, près de huit ans après l’annexion de la Crimée et l’intervention russe dans le Donbass par séparatistes interposés, personne n’ose exclure l’hypothèse d’une nouvelle incursion en Ukraine. D’abord, parce que dans la multiplication des crises sur le continent européen, de l’instrumentalisation des migrants par la Biélorussie à celle du gaz en passant par l’agitation nationaliste dans les Balkans occidentaux, de même que dans les crises plus lointaines au Sahel, en Libye ou en Syrie, l’ombre du Kremlin n’est jamais loin. Ensuite, parce que l’Ukraine reste centrale dans l’affrontement géopolitique avec la Russie.

En 2021, deux visions s’opposent dans ce pays de près de 40 millions d’habitants. Celle de Kiev, son architecture joliment rénovée, son secteur IT dynamique et florissant, son marché prometteur de gros contrats et sa démocratie brouillonne qui progresse pas à pas, sous l’amicale pression des bailleurs de fonds internationaux.

Et puis il y a, à 800 km de là, au sud-est, près de Marioupol, le spectacle sinistre d’un autre siècle, la ligne de contact avec « l’ennemi russe », un no man’s land barré de tranchées que l’on n’approche qu’à bord de blindés militaires : ce qui fut une jolie station balnéaire sur la mer d’Azov, Shyrokyne, lieu de villégiature des gens de Donetsk, n’est plus, depuis les bombardements de 2015, qu’un village fantôme aux constructions défoncées par les obus et les missiles. Ici, le conflit est pratiquement gelé. Plus au nord dans le Donbass, il reste actif, « de basse intensité » mais assez intense quand même pour tuer régulièrement et justifier côté ukrainien une armée de 250 000 soldats, dont le budget dévore près de 6 % du produit intérieur brut.

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