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Comment la Biélorussie fait venir des charters de migrants pour mettre la pression sur l’Union européenne

Des migrants massés à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, le 8 novembre 2021 près de Grodno (Biélorussie). LEONID SHCHEGLOV / AP

On les repère vite, dans le petit hall des départs de l’aéroport de Beyrouth. De jeunes hommes sans valise, avec seulement un petit sac à dos à leurs pieds. Ils n’ont pas l’allure pressée du voyageur qui file vers les contrôles de sécurité. Ils sont venus des heures à l’avance. Ce mardi 9 novembre, ils s’apprêtent à embarquer pour Minsk. Par un vol direct avec la compagnie biélorusse Belavia.

Ammar (le prénom a été changé), un Syrien d’une vingtaine d’années, s’empresse de dire qu’il se rend dans la capitale biélorusse « en touriste ». « Regarde, j’ai mon billet aller-retour », ajoute-t-il en dépliant une feuille imprimée. « Ceux qui partent ne parleront pas », avait prévenu un voyagiste – un pistolet posé sur son bureau et une liasse de dollars en main –, pour qui cette nouvelle destination est devenue une manne.

Ammar parle, un peu. Il n’est pas le seul à prétendre avoir des envies de tourisme en Biélorussie, aussi peu crédible cela soit-il pour un jeune réfugié syrien qui vit au Liban – autrement dit, avec très peu de ressources. Puis il finit par l’admettre. Oui, il va tenter sa chance et aborder la forteresse Europe. Le billet, l’hôtel qui l’attend en Biélorussie, ont été réservés auprès d’un tour-opérateur, près de Beyrouth. Pour le visa, il est passé par le consul honoraire de Biélorussie au Liban, qui possède sa propre agence de voyages. Tout est en règle, insiste-t-il. C’est la subtilité du sordide jeu des départs du Proche-Orient vers la Biélorussie : avoir les allures de la légalité. Ammar ne le cache pas : ce sont « des réseaux » qui l’attendent une fois sur place. Cela fait partie de la panoplie.

Déjà une doudoune

On évoque les morts à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne. « Mais que dois-je faire ? Rester ici ? C’est quoi mon avenir ici ? » – le Liban étant plongé dans un cataclysme économique et financier. Ammar voyage avec d’autres compatriotes. Des rires fusent, entre excitation et nervosité. On se prend en photo. Puis vient l’instant des adieux. De longues accolades avec les proches qui restent au Liban. Des larmes coulent. Au bout du chemin, qui sait ce qu’il trouvera ?

Il y aura l’Allemagne, veut croire Hassan, qui espère y rejoindre des proches, syriens comme lui. Ce quadragénaire laisse femme et enfants au Liban, où il a longtemps travaillé comme ouvrier – « On s’en sortait bien, avant la crise. » Il part pour eux, pour lui. Il mesure le danger. Il n’est pas dupe : la Biélorussie n’ouvre pas ses portes par bienveillance. Qu’importe : une route s’est ouverte vers, peut-être, un peu de stabilité.

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