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Le Prix Nobel de littérature Orhan Pamuk de nouveau dans le viseur de la justice turque

Le romancier turc Orhan Pamuk lors de la Foire internationale du livre de Budapest, le 20 avril 2017. ATTILA KISBENEDEK / AFP

Incorrigible Turquie, où Orhan Pamuk, le premier Prix Nobel turc de littérature, se retrouve une nouvelle fois accusé d’avoir insulté l’identité turque. Lundi 8 novembre, le parquet d’Istanbul a rouvert une enquête contre le romancier, soupçonné d’avoir insulté Mustafa Kemal, dit Atatürk, le fondateur de la République turque, ainsi que le drapeau national dans son livre Veba Geceleri (« Nuits de peste », non traduit en français), paru aux éditions Yapi Kredi en mars.

Dans son roman, l’écrivain brosse une situation purement imaginaire, à savoir les habitants d’une île occupés à lutter contre la peste à l’époque de l’Empire ottoman finissant. Le roman a fortement déplu à Tarcan Tülük, un avocat de la ville d’Izmir, sur les bords de la mer Egée, qui a porté plainte, persuadé que le livre contient des offenses envers « le père des Turcs ».

Examinée une première fois, l’affaire a abouti à un non-lieu. Le juge s’est alors laissé convaincre par les déclarations d’Orhan Pamuk, qui, dans une déposition adressée au parquet, a assuré qu’à aucun moment il n’avait cherché à représenter Mustafa Kemal dans son roman, sans parler de l’insulter.

Pugnace, l’avocat d’Izmir, par ailleurs responsable local du Parti démocrate (DP, opposition), est revenu à la charge. Le litige porte, entre autres, sur le héros du roman, dont le plaignant a l’impression qu’il pourrait bien être Atatürk. Cette fois-ci, le juge a obtempéré, estimant que certaines phrases du livre pouvaient en effet être qualifiées d’insultes. Orhan Pamuk devra donc répondre de ses écrits devant la justice. La maison d’édition, Yapi Kredi, étant située à Istanbul, c’est là que l’affaire devra être jugée en appel.

Vieille antienne

Juger les intellectuels est une occupation à plein temps en Turquie, où les écrivains, les caricaturistes, les journalistes sont parfois emprisonnés pour leurs articles, leurs livres ou pour les phrases qu’ils ont pu prononcer. L’écrivain Ahmet Altan, lauréat du prix Femina étranger 2021, a ainsi passé plusieurs années en prison (2016-2021) pour avoir diffusé des « messages subliminaux » sur une chaîne de télévision à la veille du putsch raté du 16 juillet 2016.

Pour Orhan Pamuk, qui vit désormais entre New York, où il enseigne la littérature à l’université de Columbia, et Istanbul, sa ville natale, ces poursuites sont une vieille antienne. Un an avant de recevoir le prix Nobel, en 2005, le célèbre romancier avait déjà été confronté à la justice pour avoir déclaré à un hebdomadaire suisse qu’en Turquie, « 1 million d’Arméniens et 30 000 Kurdes ont été tués ». Considérée comme une « insulte à l’identité turque », la phrase lui avait valu plusieurs comparutions. Sous la pression de l’Union européenne, que la Turquie espérait alors rejoindre, le dossier avait finalement été classé.

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