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En Inde, l’île de Majuli, dévorée par la montée des eaux, aura disparu d’ici à 2030

Rambha Payeng et sa fille, Dimpi, posent sur l’escalier de leur maison sur pilotis, installés pour prévenir les inondations. A Majuli (Inde), le 1er novembre 2021. RONNY SEN POUR « LE MONDE »

La mousson s’est retirée début octobre, léguant un paysage vert tendre. Le paddy (« riz »), culture dominante, qui sera récolté mi-novembre, flotte encore dans les champs. La vie a retrouvé son rythme tranquille à Majuli, une île isolée, le long du Brahmapoutre, dans l’Assam, à l’extrême nord-est de l’Inde, où les habitants vivent en semi-autarcie, à l’écart du temps. Les enfants ont repris le chemin de l’école. Les vaches, chèvres et chiens vaquent au gré de leur envie, encombrant des routes délabrées. Au milieu des jacinthes d’eau, des femmes en barque traquent des poissons-chats. Le calme est trompeur.

Les inondations provoquées par la mousson ont rongé les berges. Les chemins côtiers, comme celui qui mène à la maison de Luhit Kalita dans le village de Salmara, ne sont plus qu’une longue faille et menacent à tout moment de basculer dans le fleuve, cinq mètres en contrebas. D’ici quelques jours, tout aura disparu et la maison de ce potier connaîtra le même sort. Une trentaine de mètres la séparent du grand plongeon dans le Brahmapoutre. Dans le village, une trentaine de maisons tombent chaque année.

Rives qui fondent à vue d’œil

Agé de 36 ans, Luhit s’apprête à déménager, avec sa famille, sa femme, ses enfants, ses parents. C’est la quatrième fois que le fleuve emporte son logis. « A chaque déménagement, je pense choisir une place sûre, mais l’eau finit toujours par me rattraper. D’ici deux mois, ma maison aura disparu », explique-t-il, résigné. Il n’a reçu aucune aide du gouvernement et vient d’investir 25 000 roupies (290 euros) pour construire une nouvelle maison. Une somme pour ce potier, qui cumule un deuxième emploi dans une fabrique de barques de pêche. Il va devoir également bâtir un nouveau four pour cuire ses poteries en terre, une des traditions de Majuli : le sien n’est plus qu’à dix mètres du rivage.

Luhit est né sur l’île, et n’est pas sûr d’y finir sa vie. Située entre la rivière Subansiri et le puissant fleuve Brahmapoutre, Majuli était considérée comme la plus grande île fluviale habitée au monde, 80 kilomètres de long, de 10 à 15 kilomètres de large. Mais ce territoire unique, peuplé d’une dizaine d’ethnies, dont les Mising et Deori, façonné par la culture tribale, riche d’une biodiversité exceptionnelle avec ses 300 espèces d’oiseaux, est victime d’une érosion accélérée. Les rives fondent à vue d’œil. En un siècle, l’île a perdu plus de la moitié de sa surface, passant de 1 256 à 447 kilomètres carrés. Soixante-dix villages ont été rayés de la carte.

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