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En Inde, applaudir la victoire de l’équipe de cricket pakistanaise est « un acte de sédition »

LETTRE DE NEW DELHI

Virat Kohli félicite Mohammad Rizwan après la victoire du Pakistan contre l’Inde, lors d’un match de la Coupe du monde T20 de cricket à Dubaï, le 24 octobre 2021. AIJZA RAHI / AP

L’image était sans doute trop belle. Elle a été capturée, le 24 octobre, sur la pelouse d’un stade de Dubaï où se déroulait une rencontre de la Coupe du monde T20 de cricket (les matchs se jouent en 20 manches au lieu de 50 lors d’une Coupe du monde classique) : celle de deux joueurs, appartenant à deux équipes adverses, venant de deux pays ennemis, s’étreignant à la fin du match. L’Inde, pourtant favorite, venait de perdre nettement face à son plus grand rival, le Pakistan, quand le capitaine indien, Virat Kohli, a enlacé le joueur pakistanais Mohammad Rizwan, auteur de six coups décisifs.

Ce n’était pas la finale de l’épreuve – la compétition se terminera le 14 novembre –, mais, pour Islamabad et New Delhi, c’était beaucoup plus. Toute rencontre a le goût d’un combat définitif pour les deux pays, qui n’en formaient qu’un dans l’empire des Indes jusqu’en 1947. Les deux voisins se haïssent et se sont livrés trois guerres depuis l’indépendance. Leur différend à propos du Cachemire n’a jamais cessé.

Les heures qui ont suivi le match de Dubaï rappellent qu’entre les deux puissances nucléaires, le cricket est davantage un affrontement qu’un sport, en particulier depuis l’arrivée des nationalistes au pouvoir en Inde, en 2014. Quelques minutes après la défaite, le seul joueur musulman parmi les onze membres de l’équipe indienne, Mohammad Shami, a reçu une volée d’injures sur les réseaux sociaux. Il a rapidement été désigné comme le responsable de la défaite, qualifié de « traître » tout juste bon à « aller au Pakistan ».

Un responsable du BJP a exigé que des étudiants soient battus et « écorchés vifs » pour avoir fêté la victoire du Pakistan

Dans plusieurs Etats, la police s’est lancée dans une chasse aux supporteurs présumés du Pakistan. A Srinagar, la principale ville du Cachemire, unique région d’Inde à majorité musulmane, un groupe d’étudiants en médecine a été arrêté en vertu de la loi draconienne sur la prévention des activités illégales, une loi antiterroriste, pour avoir fêté la victoire de l’équipe pakistanaise. Vikram Randhawa, un responsable du Bharatiya Janata Party (BJP), la formation nationaliste du premier ministre Narendra Modi, a même suggéré que les étudiants soient battus et « écorchés vifs », que leurs diplômes soient annulés, et leur citoyenneté retirée.

En Uttar Pradesh, Yogi Adityanath, le chef de gouvernement, un moine hindou fondamentaliste connu pour sa politique antimusulmans, a annoncé sur Twitter que « ceux qui célèbrent la victoire du Pakistan devront répondre de sédition », une infraction passible d’une peine d’emprisonnement à vie. L’homme est en campagne électorale. Trois étudiants musulmans, accusés d’avoir publié sur les réseaux sociaux des messages en faveur du Pakistan, ont d’ores et déjà été arrêtés par la police et suspendus de leur école.

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