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Sophie Pétronin de retour au Mali, un choix qui fait débat

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L’ex-otage Sophie Pétronin, 75 ans, qui fut retenue par un groupe djihadiste dans le nord du Mali durant presque quatre ans, avec son fils Sébastien à son arrivée à Bamako, le 8 octobre 2020. STRINGER / AFP

Certains loueront sa liberté et sa capacité à en jouir sans restrictions, sa détermination à faire ce qui lui plaît sans se soucier du qu’en-dira-t-on, son attachement à son pays et à sa fille d’adoption. D’autres, et la polémique a déjà commencé à enfler au sein de la classe politique française, insisteront comme le porte-parole du gouvernement sur son « irresponsabilité » après le coût de sa libération des mains du Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, dirigé par Iyad ag-Ghaly.

Cinq mois à peine après avoir retrouvé la liberté, le 8 octobre 2020, l’ancienne otage franco-suisse Sophie Pétronin, 76 ans, est repartie en mars s’installer au Mali, aidée de son fils Sébastien qui s’était auparavant tant démené pour la sortir de sa prison de sable. L’information a commencé à circuler, samedi 30 octobre, après la publication sur les réseaux sociaux d’un message du directeur général de la gendarmerie malienne, envoyé la veille, enjoignant « toutes unités » de « rechercher très activement Madame Sophie Pétronin, ex-otage, signalée vers Sikasso. En cas de découverte l’appréhender et la conduire sous bonne escorte » jusqu’à la capitale malienne.

A Sikasso, dans le sud-est du pays, un officier de gendarmerie joint par Le Monde confirme l’authenticité du document, mais assure que « les recherches dans les lieux de culte, les marchés, les gares ont été jusque-là infructueuses ». Et pour cause : Sophie Pétronin se trouverait en effet, selon les informations de Médiapart qui s’est entretenu avec elle, à Bamako et ne s’est jamais rendue à Sikasso.

« Sympathie pour ses ravisseurs »

« Elle a quitté la Suisse début mars avec son fils après que deux visas pour le Mali lui ont été refusés. Ils se sont d’abord envolés pour le Sénégal, puis sont entrés au Mali par la route. Les Suisses savaient parfaitement qu’elle repartait et, une fois sur place, le Mali comme la France savaient qu’elle était revenue. Elle vit aujourd’hui dans la capitale malienne, reste discrète, mais ne se cache pas, va faire ses courses. Régulièrement des gens la reconnaissent dans la rue », relate Anthony Fouchard, journaliste et auteur d’Il suffit d’un espoir, qui raconte la captivité de Sophie Pétronin et le combat de son fils pour la faire libérer.

Alors, pourquoi cette présence admise officieusement et maintenue secrète depuis plusieurs mois est-elle devenue subitement publique ? Pourquoi les autorités maliennes souhaitent-elles interroger celle qui avait échappé à un premier enlèvement à Gao en 2012 avant d’être finalement kidnappée le 24 décembre 2016 dans cette ville où elle s’occupait d’un orphelinat ? La question reste entière, alors que les relations franco-maliennes se sont considérablement dégradées ces derniers mois.

« Peut-être l’ambassade de France l’a détectée par ici et a demandé à ce qu’on la retrouve. Peut-être est-ce à cause des sympathies qu’elle a montré pour ses ravisseurs », se hasarde le gendarme de Sikasso. Les raisons exactes sont probablement ailleurs. Si l’ambassade de France à Bamako ne communique pas, une source au sein du ministère malien de la sécurité a évoqué à RFI la nécessité de « lever certaines ambiguïtés ».

Incontrôlable

Ambiguïté de la situation irrégulière de Mme Pétronin dans le pays ? De ses propos après sa libération, obtenue avec celle du chef de l’opposition malienne de l’époque, Soumaïla Cissé − décédé depuis du Covid-19 – et de deux otages italiens, contre la remise en liberté de près de 200 djihadistes ? Plutôt que de considérer ses ravisseurs comme des terroristes, « moi, je dirais que ce sont des groupes d’opposition armés au régime », avait jugé « Mariam », son nom de convertie à l’islam, dès sa descente d’avion, prévenant ses proches de son irrépressible désir de retourner auprès de sa « famille gaoïse ».

Si l’ex-otage semble avoir très mal supporté son retour dans les montagnes suisses, où vit son fils, « elle a promis qu’elle ne quittera pas Bamako où elle s’est installée avec sa fille adoptive, Zeinabou. Sébastien l’a menacé cette fois de la laisser seule si elle brise ce lien de confiance », indique le journaliste Anthony Fouchard, très proche de la famille.

A Paris, on confirme avoir tout fait pour empêcher Sophie Pétronin de repartir au Mali, tout en confiant un certain agacement envers cette insaisissable septuagénaire. « Toutes les démarches avaient été entamées pour que sa fille puisse venir et que la famille soit réunifiée, mais c’est Mme Pétronin qui y a mis un terme en janvier », précise une source officielle sous couvert d’anonymat. Si tel est bien le cas, cela démontrerait une fois de plus son lien viscéral avec le Mali et son caractère incontrôlable. Interrogée par l’AFP, Sophie Pétronin se demande bien pourquoi certains dirigeants la qualifient d’« irresponsable ». « Je suis chez moi ici », affirme-t-elle.

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