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Le charbon à marche forcée en Inde

Par Ravi Pinto

Publié aujourd’hui à 02h31, mis à jour à 07h37

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ReportageDans l’Etat du Jharkhand, qui possède la majorité des réserves de charbon du pays, les habitants s’opposent à l’exploitation de leurs sous-sols. Mais de nouveaux projets d’extraction les menacent d’expulsion.

Des dizaines d’hommes se sont donné rendez-vous au pied d’un imposant figuier des pagodes, dans le village de Gondalpura. Certains sont venus à pied, d’autres ont fait le chemin depuis les villages voisins à vélo ou à moto. Assis en tailleur sur le sol, ils se lèvent les uns après les autres pour prendre la parole. Les nerfs sont à vif. Ces villageois ont récemment eu vent des projets du milliardaire Gautam Adani, réputé proche du premier ministre indien Narendra Modi, de transformer leurs bucoliques bourgades en une mine de charbon à ciel ouvert.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés La neutralité carbone, un horizon encore lointain pour le géant indien Une réunion publique d’information et de mobilisation menée par Shrikant Nirala, le chef du conseil de Gondalpura, et le militant Mithilesh Dangi à Gondalpura, au Jharkhand (Inde), le 16 octobre 2021. SOUMYA SANKAR BOSE POUR « LE MONDE » Un site de la mine de charbon de Pakri Barwadih, sur des terres en partie confisquées aux villageois et exploitée par la National Thermal Power Corporation (NTPC), en Inde, le 17 octobre 2021. SOUMYA SANKAR BOSE POUR « LE MONDE »

Six villages sont menacés d’être rayés de la carte. Situés à une centaine de kilomètres de Ranchi, la capitale de l’Etat minier du Jharkhand, il faut pour les atteindre s’enfoncer dans la campagne : emprunter de petites routes cahoteuses à travers les rizières verdoyantes et slalomer habilement entre les buffles et les chèvres qui comptent pour la majorité du trafic routier. Selon les estimations, il serait possible d’extraire des terres agricoles et forestières de cette zone quatre millions de tonnes de charbon par an. Le Jharkhand, situé dans l’est du pays et recouvert à 30 % de forêts, possède la majorité des réserves de charbon de l’Inde. Mais pour les populations, cette richesse est une source de malheurs.



Extraire pour ne pas importer

Le groupe Adani, plus gros producteur privé d’énergie thermique en Inde, a remporté l’appel d’offres pour l’exploitation de la mine de charbon dite « Gondulpara » dès le mois de novembre 2020, mais les habitants n’ont appris la nouvelle qu’en juillet 2021. « Personne n’a jugé bon de les prévenir, ils ont compris ce qui se tramait au détour d’un article publié dans la presse locale », indique Mithilesh Dangi, un militant venu d’Hazaribagh, la plus importante ville de ce district éponyme, littéralement « la terre aux mille jardins ».

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Malgré les conséquences sur le climat, le gouvernement veut développer la production domestique de charbon. Après la première vague de Covid-19, en 2020, dans le cadre de son plan de relance placé sous le signe de l’autosuffisance, le gouvernement a mis aux enchères des dizaines de blocs miniers à des fins d’exploitation commerciale, des appels d’offres ont été ouverts aux entreprises privées indiennes et étrangères. Vingt-huit mines ont déjà été vendues à travers le pays, et 88 autres sont actuellement sur le marché.

Mohri Devi, 58 ans, et Vidha Devi, 32 ans, vivaient ici à Alagdiha, où la mine est exploitée par NTPC. Elles ont été déplacées vers un village voisin cette année. A droite, un champ cultivé par les habitants à Gandulpara (Inde), le 17 octobre 2021. Le groupe Adani essaie maintenant d’acquérir les terres des villageois. SOUMYA SANKAR BOSE POUR « LE MONDE »

L’objectif pour le géant sud-asiatique est de réduire sa dépendance aux importations. L’Inde a beau posséder les quatrièmes plus grandes réserves de charbon au monde, le pays n’en est pas moins le deuxième importateur d’or noir de la planète. La houille, qui permet de produire 70 % de l’électricité, va continuer à jouer un rôle majeur dans le mix énergétique indien pour les trente-cinq à quarante ans à venir, a prévenu le ministre du charbon et des mines, Pralhad Joshi, le 12 octobre, lors de la mise aux enchères d’un nouveau lot de mines.

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