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Covid-19 : pourquoi le nombre de cas augmente fortement à Singapour, l’un des pays les plus vaccinés

La cité-Etat connaît une vague d’une ampleur inédite. Certains y voient l’échec de la vaccination. Il s’agit surtout de l’effet d’un changement de stratégie : pour la première fois, la maladie circule librement. EDGAR SU / REUTERS

C’est le dernier argument en date des opposants à la vaccination contre le Covid-19 : le cas de Singapour, qui connaît une recrudescence épidémique malgré un taux de vaccination parmi les plus élevés, prouverait une nouvelle fois l’inefficacité des vaccins.

Le fondateur du mouvement Les Patriotes, Florian Philippot, qui cherche depuis des mois à capitaliser sur les discours conspirationnistes et antivaccins, s’est notamment emparé de l’exemple. Dans un message posté lundi 1er novembre sur les réseaux sociaux, il interpelle ainsi les « covidistes », ceux qui font confiance aux recommandations des institutions de santé :

« 83 % de double vaccinés à Singapour et une courbe des cas et des morts qui n’en finit plus d’exploser ! Qu’en disent les covidistes ? Rien, ils font semblant de ne pas voir ! Stop ! »

83% de double-vaccinés à Singapour et une courbe des cas et des morts qui n’en finit plus d’exploser !
Qu’en disent… https://t.co/pMXOPqVrIw

— f_philippot (@Florian Philippot)

Les données qui sont citées sont authentiques. Mais la présentation qui en est faite passe sous silence un élément central pour comprendre la situation : Singapour a récemment changé de stratégie face au Covid-19. Explications.

Ce qui est vrai

Un taux de vaccination parmi les plus élevés

Selon les chiffres rapportés par Our World in Data, Singapour avait, à la fin du mois d’octobre, le quatrième taux de vaccination complète contre le Covid-19 le plus élevé au monde, avec près de 80 % de personnes vaccinées. Il s’agit donc bien d’un pays où la couverture vaccinale est très forte.

Une vague de cas d’une ampleur inédite pour le pays

Par ailleurs, la ville-jardin aux 5,7 millions d’habitants est bel et bien frappée par une vague inédite. Alors qu’elle ne comptait guère plus qu’une trentaine de contaminations recensées depuis un an, leur nombre s’est multiplié depuis le début du mois de septembre, pour atteindre des sommets à plus de 5 000 cas par jour, à la fin du mois d’octobre.

Singapour compte, par ailleurs, une quinzaine de décès quotidiens, alors qu’aucun n’a été recensé durant les sept premiers mois de l’année. Il n’est donc pas abusif de parler d’une explosion de cas et de décès. Mais l’apparition de cette vague peut être expliquée.

Ce qui est trompeur

L’abandon non mentionné de la stratégie « zéro Covid »

Ce que Florian Philippot se garde de préciser, c’est que Singapour a opéré un virage majeur dans sa stratégie de lutte contre le Covid-19, en passant d’une stratégie de « zéro Covid » à une cohabitation avec le virus. Comme l’assume Dale Fisher, professeur spécialiste en maladies infectieuses à l’université nationale de Singapour et président du réseau mondial d’alerte et de réponse aux épidémies de l’ONU : « Nous autorisons l’endémicité », c’est-à-dire l’installation habituelle de la maladie dans la population.

Si l’épidémie explose de manière historique, c’est, en effet, parce que le virus ne circulait tout simplement pas dans la ville-Etat jusqu’à présent, ou très peu. Profitant de sa situation insulaire, Singapour, comme les Philippines, la Nouvelle-Zélande, ou dans un autre registre, la Chine, a longtemps adopté des mesures extrêmement strictes : restrictions des entrées aériennes, quarantaines forcées, contact-tracing, etc. Celles-ci ont permis de largement protéger la population du virus, mais au prix d’un important ralentissement des échanges économiques et d’un impact majeur sur la vie quotidienne.

« Une nouvelle normalité » dans laquelle le Covid-19 deviendrait endémique

En juin, les ministres du commerce et de l’industrie, des finances et de la santé avaient annoncé dans une lettre commune au quotidien national Straits Time la transition vers « une nouvelle normalité », dans laquelle, grâce à la vaccination, le Covid-19 deviendrait endémique, tandis que les Singapouriens pourraient abandonner progressivement les quarantaines et retrouver voyages et grands rassemblements.

De ce point de vue, la hausse du nombre de cas n’est pas une illustration de l’échec des vaccins – ils n’empêchent pas toujours la transmission – mais une conséquence attendue d’un choix politique qui repose, au contraire, sur la protection vaccinale. L’ampleur de la vague témoigne, néanmoins, de l’incapacité des vaccins à endiguer la transmission du variant Delta, plus contagieux, même avec un taux de vaccination supérieur à 80 %.

Des décès qui touchent majoritairement les non-vaccinés

C’est le second point sur lequel le message de M. Philippot est trompeur : il lie vaccination et décès liés au Covid-19. Or, même si Singapour affiche l’un des taux de couverture vaccinale les plus élevés au monde, 17 % de la population demeure non vaccinée. Et c’est au sein de cette dernière que se trouvent les plus touchés par cette vague liée à la levée des restrictions. « Même si les personnes vaccinées sont dix fois plus nombreuses que les non vaccinées dans la population, ce sont les non vaccinées qui sont majoritaires en soins intensifs, qui ont besoin d’oxygène, et qui finissent par décéder », relève Dale Fisher, sur RFI.

« Nous avons un groupe de seniors qui sont toujours non vaccinés. Ils pèsent 1,5 % ou légèrement moins de la population totale, et sur les vingt-huit derniers jours, ils représentaient les deux tiers des occupations en soins intensifs et des morts », a ajouté à la fin du mois d’octobre le ministre de la santé, Ong Ye Kung.

Les personnes non vaccinées ont huit fois et demie plus de risques de mourir du Covid-19

Selon les calculs du Straits Times, les personnes non vaccinées ont huit fois et demie plus de risques de mourir du Covid-19. « Nous avons désormais réduit nos efforts pour empêcher les transmissions, par exemple, en rendant les quarantaines et les isolements moins lourds. C’est dû à notre taux de vaccination élevé, qui fait que pour la majorité d’entre nous, le Covid-19 est désormais une maladie bien moins grave. Mais cela signifie une pandémie plus mortelle pour les non-vaccinés », se désole Alex Cook, professeur associé à Saw Swee Hock School of Public Health, l’université nationale de santé publique de Singapour, cité dans le même article du Straits Times.

Afin de convaincre les derniers réfractaires de franchir le pas, souvent des personnes âgées, le gouvernement a introduit en octobre des restrictions d’accès aux lieux publics pour les non-vaccinés et prévoit de leur interdire l’accès aux lieux de travail à partir du 1er janvier 2022.

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