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Au Bourget, les salariés d’H&M passés de mode

Nacira fronce ses sourcils maquillés de noir et balaie du regard le piquet de grève. L’unique entrepôt logistique en France du géant suédois H&M doit fermer, un « coup de massue » pour cette quinquagénaire qui, aux côtés de 150 salariés, y a dédié « sa vie ».

« Qu’est-ce qu’on va devenir à notre âge ? », se demande cette frêle et dynamique préparatrice de commande. « On a besoin de travailler, c’est notre travail, c’est notre vie. »

Elle est remontée contre la décision du groupe de prêt-à-porter de fermer l’entrepôt du Bourget (Seine-Saint-Denis), dirigé par sa filiale H&M GBC.

Depuis le 7 octobre, la majorité des salariés du site sont en grève. Derrière les barrières rouges et blanches, l’entrepôt est à l’arrêt: aucun transpalette ne s’affaire dans les couloirs, et les quelques poids-lourds encore sur le parking ont été abandonnés par leurs chauffeurs.

« C’est pas les salariés qu’il faut virer, c’est les profits qu’il faut taxer », scandent une cinquantaine de grévistes devant les lieux, salués par les klaxons des automobilistes.

Plusieurs d’entre eux racontent comment, sans y avoir été préparés, ils ont appris la nouvelle de la fermeture, accueillie par un « silence », avant des cris voire des malaises. C’était en juin dernier.

Trois mois plus tard, Hennes et Mauritz (H&M) annonçait des ventes en hausse de 9% sur un an et des bénéfices en forte progression dépassant les niveaux pré-pandémie de Covid 19.

Sur la période juin-août de son exercice décalé, le numéro 2 mondial du secteur a enregistré un bénéfice net quasiment triplé de 4,69 milliards de couronnes (environ 459 millions d’euros).

– H&M, « on l’a construit » –

Avec 22 ans d’ancienneté, Christine Briard se souvient de la grande époque du groupe textile en France, arrivée en 1998. « On a ouvert 384 magasins, c’était campagne sur campagne » de publicité, raconte cette femme de 57 ans qui déchargeait alors les décors servant à habiller les vitrines.

« H&M ne s’est pas construit tout seul, on l’a construit, on l’a tous construit », souligne Nacira.

Quelque 150 salariés sont désormais menacés de licenciement, auxquels s’ajoutent des travailleurs handicapés et des intérimaires.

Les négociations en cours dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) sont « dignes d’une PME », tempête Gemina Mehiaoui, délégué CGT, qui estime que les mesures d’accompagnement sont minimes.

« Le seul but de cette société, c’est de se séparer de ses salariés parce qu’ils sont vieillissants. La moyenne d’âge est de 50 ans sur le site. On nous a pressé comme des citrons, et aujourd’hui ils sont âgés et pour beaucoup cassés, ils ne servent plus à rien », fulmine-t-elle, rappelant que beaucoup sont « des femmes, des familles monoparentales ».

« Nous ce qu’on veut, c’est du travail ! On ne veut pas aller remplir les statistiques du Pôle emploi », assure-t-elle.

Interrogé par l’AFP sur les raisons de l’arrêt du site du Bourget, le service communication d’H&M a expliqué qu’il résultait d’une « nouvelle organisation des flux logistiques dans la région » Europe du Sud.

La marque a affirmé avoir déployé « un important dispositif » de mesures d’accompagnement des salariés, et avoir « initié une recherche de repreneurs » pour le site.

Dans un communiqué en avril, le groupe, affecté par la crise sanitaire, avait annoncé sa décision de fermer cette année 350 de ses 5.000 magasins dans le monde, et d’en ouvrir 100, afin de s’adapter à la « numérisation croissante » de l’industrie de la mode, où les ventes par internet ne cessent de croître.

« C’est une forme de trahison, on est dans un pays qui aide les entreprises (pendant la crise, NDLR), et aujourd’hui à la fin de tout ça, de ces aides-là, ils nous annoncent directement une fermeture », s’étrangle Diop Bocara, 39 ans, délégué UNSA et employé de la plateforme depuis 18 ans.

« C’est triste… », souffle Malika Mehiaoui, la sœur de Gemina. « On n’est pas que des collègues, on est une famille, on a créé des liens, célébré des mariages, des naissances… Au-delà de nos emplois, c’est une famille qui va se disloquer et ça c’est un choc supplémentaire. »

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