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En Belgique, une « Ruche » à la mémoire de soldats nazis fait débat

A Zedelgem, en Belgique, les abeilles sont censées représenter les Lettons ayant séjourné dans le camp de prisonniers de guerre britannique de Vloethemveld. RONALD DERSIN/PARIS MATCH BELGIQUE

Une zone résidentielle calme, une grande place, un projet de réserve naturelle et quoi d’autre pour décrire Zedelgem, bourgade de 22 000 habitants, proche de Bruges, en Belgique ? Il y a bien ce drôle de monument édifié par la municipalité à la mémoire d’anciens SS, dans l’indifférence générale, en 2018. Baptisée De Letse Bijenkorf (« la ruche lettone »), l’œuvre a été découverte deux ans plus tard par d’anciens résistants, des organisations juives et The Belgians Remember Them, une association célébrant le souvenir des aviateurs britanniques de la seconde guerre mondiale.

La « Ruche » est, paraît-il, peuplée d’autant d’abeilles – « des êtres travailleurs et pacifiques tant qu’ils ne sont pas menacés », ­précisaient les initiateurs du projet – que de Lettons ayant séjourné dans le camp ­voisin de Vloethemveld, à la fin de la guerre. Ce camp de prisonniers de guerre britannique a regroupé jusqu’à 100 000 détenus, dont 12 000 citoyens de Lettonie. Mais pas n’importe lesquels : des membres des 15ex et 19e divisions de la Waffen SS, l’armée « raciale et politique » du régime hitlérien, créée en 1939 par Heinrich Himmler.

Aux yeux de la mairie, détenue de longue date par le parti chrétien-démocrate CD & V, ces hommes n’étaient apparemment pas des soldats du Reich (la Waffen SS en totalisa jusqu’à 1 million), mais des « combattants de la liberté ». Entendez des opposants au bolchevisme et à Joseph Staline. Libérés sans jugement après quelques mois de détention, tous ont d’ailleurs décidé de vivre à l’Ouest, s’incarnant désormais en adversaires du régime communiste qui avait mis la main sur leur pays. Et tous affirmèrent, sans qu’on contrôle vraiment leurs dires, qu’ils avaient été enrôlés de force par l’Allemagne nazie, qui avait envahi la Lettonie à l’été 1941. Aucun n’a donc été reconnu coupable de crimes de guerre.

Une plaque retirée

Leur version de l’histoire a été relayée par les édiles de Zedelgem, mais largement contestée par de nombreux historiens, ainsi que par des organisations juives. Depuis des mois, des manifestations et des actions de protestation ont été organisées aux abords de la « Ruche », dont le démantèlement a été exigé. Elles n’ont abouti jusqu’ici qu’au retrait d’une plaque qui présentait, en trois langues, la commune comme « avant tout patriotique », condamnant le nazisme mais désireuse ­d’honorer « la liberté universelle ».

Pas de quoi convaincre, notamment, le Centre Simon-Wiesenthal de Jérusalem qui juge « insupportable » la présence dans un pays européen d’un monument vu comme une insulte aux victimes du régime hitlérien et un encouragement au révisionnisme. Ses experts soulignent que, si des Lettons ont bel et bien été enrôlés de force dans la Légion SS à partir de l’hiver 1943, les massacres de juifs dans le pays ont débuté deux ans plus tôt.
Et que, de toute manière, il y avait moyen de fuir la circonscription ou de s’enrôler plutôt dans le service du travail obligatoire.

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