C’est une véritable zone de non-droit, inédite au sein de l’Union européenne : le long de la frontière polono-biélorusse, sur près de 400 kilomètres, les autorités polonaises ont instauré l’état d’urgence, le 2 septembre, et l’ont prolongé jusqu’en décembre. Avec l’état de catastrophe naturelle et l’état de guerre, il s’agit là de l’un des trois états d’exception autorisant d’importantes restrictions aux libertés et aux droits civiques.
Dès que de la crise migratoire déclenchée par le régime biélorusse a atteint la Pologne, et que les premières images de drames à la frontière ont commencé à émouvoir l’opinion publique, la mesure a été votée en un temps record. Depuis, ni les médias, ni les ONG, ni toute autre institution de contrôle n’ont accès à cette zone, qui regroupe 183 communes rurales, créant un véritable trou noir informationnel et humanitaire. Seuls les habitants et les agents des services publics peuvent y accéder.
« C’est une sorte de censure préventive exercée sur les médias, dénonce Maciej Piasecki, journaliste du site d’investigation OKO. press, qui a passé plusieurs semaines sur place. La volonté du gouvernement est d’empêcher toute information fiable de sortir de la zone. Il est impossible de vérifier les informations ou les vidéos qui nous parviennent. »
Des journalistes d’Arte arrêtés
Et les entorses à ce régime d’exception peuvent coûter cher. Fin septembre, la journaliste de la chaîne Arte Ulrike Dässler, son caméraman et son accompagnatrice, entrés dans la zone « par inadvertance », ont été arrêtés et placés en garde à vue avant d’être présentés, menottés, devant un juge. Leur matériel vidéo leur a été confisqué, avant de leur être rendu. L’équipe s’en est sortie avec une réprimande.
« C’est une zone hors la loi, où les forces de l’ordre font ce qu’elles veulent, dénonce Anna Dabrowska, de l’association d’aide aux minorités Homo Faber. Elle sert à cacher les refoulements brutaux et illégaux des gardes-frontières, et empêche l’accès des ONG internationales, dans une situation de crise humanitaire. » La plupart des juristes, dont ceux de la Fondation Helsinki pour les droits de l’homme, soutiennent que l’instauration de l’état d’urgence, dans la situation actuelle, n’est en rien justifiée.
La mesure ne pouvant être instaurée plus de 150 jours, le gouvernement a trouvé une parade pour empêcher l’accès à la frontière au-delà du mois de décembre. En vue de la construction d’un mur le long de la frontière, un projet de loi spéciale précise que cette zone ne pourra être approchée à moins de 200 mètres en raison de la mise en place d’une « infrastructure de nature stratégique ».
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