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Explosion à Beyrouth : le juge Bitar sous pression

Pancarte « Nous n’oublierons pas », à Beyrouth, le 21 septembre, pour protester contre les entraves à l’enquête sur l’explosion du port, devant le ministère de la justice. HUSSAM SHBARO / ANADOLU AGENCY VIA AFP

L’enquête sur l’explosion meurtrière au port de Beyrouth, le 4 août 2020, est au cœur d’une nouvelle tempête politico-judiciaire. Seul dans le tumulte, le juge Tarek Bitar est confronté aux obstructions judiciaires, aux campagnes de dénigrement et aux menaces des responsables politiques, prêts à tout pour enterrer une enquête qui met à mal la culture d’impunité qui leur a bénéficié jusqu’à présent au Liban. L’opiniâtreté du juge d’instruction de 46 ans à établir les responsabilités dans l’explosion causée par le stockage au port d’importantes quantités de nitrate d’ammonium, pendant plus de sept ans et sans mesures de précaution, au vu et au su des autorités, force le respect des familles des victimes qui réclament justice pour les 216 morts et plus de 5 000 blessés.

Comme son prédécesseur Fadi Sawan, récusé en février par la Cour de cassation, le juge Bitar court le risque d’être à son tour écarté d’une enquête qui a valeur de test pour l’indépendance de la justice au Liban. Mardi 12 octobre, il a été contraint de suspendre pour la deuxième fois ses investigations à la suite des plaintes pour « suspicion légitime » quant à son impartialité déposée par deux députés et anciens ministres, qui contestent la compétence du juge à les poursuivre. « La ligne de conduite adoptée par les politiciens dans l’affaire tourne à la parodie de justice. [Ils] déposent toutes les plaintes auxquelles ils peuvent penser pour suspendre l’enquête (…) dans une tentative ridicule d’échapper à la justice », a dénoncé Aya Majzoub de Human Rights Watch, à l’Agence France-Presse.

Suivant la même stratégie que son prédécesseur, le juge Bitar a inculpé, en juillet, le premier ministre sortant Hassan Diab, quatre anciens ministres, ainsi que plusieurs responsables sécuritaires et judiciaires, pour « intention présumée d’homicide, négligence et manquements ». Ces derniers multiplient depuis les recours et les manœuvres dilatoires pour se soustraire à l’enquête, avec le soutien de leurs camps politiques respectifs. L’audition du directeur général de la sûreté générale, Abbas Ibrahim, a, quant à elle, été refusée par son ministère de tutelle, l’intérieur, tandis que le Conseil supérieur de défense n’a pas levé l’immunité du directeur de la sécurité de l’Etat, Tony Saliba, pour qu’il soit entendu.

« Escalade politique »

Cela n’a pas entamé la détermination du juge Bitar. Le 16 septembre, il a délivré un mandat d’arrêt – resté sans exécution – contre l’ancien ministre des travaux publics et des transports, Youssef Fenianos, du parti chrétien Marada, qui ne s’était pas présenté à son audition. Quelques jours plus tard, il lançait les convocations contre Hassan Diab et les trois autres anciens ministres, après la levée de fait de leur immunité dans le sillage du vote de confiance accordé au gouvernement de Najib Mikati.

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