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A peine ouvert, le procès de l’assassinat de Thomas Sankara déjà reporté

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A Ouagadougou, le 11 octobre 2021, lors de la première journée de procès des quatorze personnes poursuivies pour l’assassinat de Thomas Sankara le 15 octobre 1987. OLYMPIA DE MAISMONT / AFP

Cela faisait trente-quatre ans que l’on attendait ce jour au Burkina Faso. Après des décennies de bataille judiciaire, le procès de l’assassinat de l’ancien président Thomas Sankara et de ses douze compagnons s’est ouvert lundi 11 octobre dans la capitale burkinabée. « Enfin… », souffle Paul Sankara, l’un des frères du chef d’Etat assassiné le 15 octobre 1987 par un commando lors d’une réunion au siège du Conseil national de la révolution (CNR), à Ouagadougou.

En plus de la famille et de Mariam Sankara, la veuve de Thomas Sankara qui a fait le déplacement depuis Montpellier où elle réside, plusieurs centaines de journalistes, de militants de la société civile, d’admirateurs et de curieux, sont présents dans la salle des banquets de Ouaga 2000, où a été délocalisé le tribunal militaire.

Sur le banc des accusés siègent douze prévenus, dont Gilbert Diendéré, 61 ans, l’un des principaux chefs de l’armée lors du putsch de 1987, qui purge déjà une peine de vingt ans de prison pour une tentative de coup d’Etat en 2015. Tous sont accusés de « complicité d’assassinats », « recel de cadavres » et « d’attentat à la sûreté de l’Etat ».

Poursuivi pour les mêmes charges, Blaise Compaoré, 70 ans, l’ancien président burkinabé exilé en Côte d’Ivoire et ami intime de Thomas Sankara, était absent, de même que Hyacinthe Kafando, le chef du commando présumé. Dans un communiqué, publié le 7 octobre, les avocats de M. Compaoré ont dénoncé un « procès politique ». Le tribunal leur a donné « dix jours » pour se présenter, sans quoi les deux accusés seront jugés par contumace et encourront la peine maximale.

Près de 20 000 pages de dossier

9 heures 10. « L’audience est ouverte ! », clame Urbain Méda, le président du tribunal militaire. Dans la salle aux murs boisés, tapissée de moquette rouge, le public retient son souffle. Il faudra pourtant encore patienter. A peine débuté, le procès a été renvoyé au 25 octobre pour permettre aux avocats de la défense de consulter le dossier. Plusieurs commis d’office ont expliqué avoir reçu les pièces il y a « moins d’un mois ». Un délai trop court, estiment-ils, pour préparer la défense de leurs clients.

Le dossier compte près de 20 000 pages, composé « d’auditions de témoins, d’enregistrements, d’images et vidéos, de rapports d’expertise », ainsi que des trois lots de documents déclassifiés par la France, rapporte une source proche. Plus d’une soixantaine de personnes ont été entendues. « Il a fallu écouter tout le monde, tous ceux qui pouvaient avoir des éléments sur les faits, avant, pendant et après l’assassinat », assure Ambroise Farama, l’avocat de la famille Sankara depuis 2005.

Lundi, un important dispositif sécuritaire a été déployé tout autour de la salle des banquets de Ouagadougou, déjà frappée par trois attaques djihadistes depuis 2016. Pour « préserver la sérénité des débats » et la « sécurité des acteurs », le tribunal militaire a également interdit l’enregistrement sonore et vidéo des audiences.

Avant l’annonce du report, il aura fallu trois heures et trente minutes pour désigner, par tirage au sort, le jury, composé de trois juges militaires et de deux civils. Plusieurs gradés ont préféré se désister, invoquant leur engagement dans des « opérations de sécurisation sur le territoire » dans le cadre de la lutte antiterroriste ou encore des « cas de conscience ». « Diendéré, Kafando, ce sont des amis », s’est ainsi défendu un général de brigade, qui a été « excusé ». « Nous sommes tous des militaires, des frères d’armes ici. (…) Il s’agit d’apprécier des faits et non des personnes », a tenté d’expliquer la procureure. « J’ai l’impression que personne ne veut siéger dans ce procès ! », a lancé le président du tribunal militaire, déclenchant des rires dans l’assemblée.

Dans la salle, l’exaspération s’est fait sentir, l’impatience aussi. Comme pour le procès du putsch manqué de 2015, qui avait duré plus d’un an, les débats « sur la forme » devraient ralentir la procédure les premiers mois. « On s’est préparé à tout », assure un avocat de la partie civile.

Sept ans après l’insurrection populaire d’octobre 2014 qui avait chassé Blaise Compaoré du pouvoir après vingt-sept ans à la tête du pays, il s’agira « d’affronter nos vieux fantômes », estime Ismaël Diallo, témoin et ancien proche collaborateur de Thomas Sankara.

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