France World

Migrants à Calais : Human Rights Watch dénonce une vie d’« humiliations » et de « harcèlement »

Après avoir été évacué du camp situé près de l’hôpital, cet homme originaire du Kurdistan iranien refuse de monter dans un bus dont il ne connaît pas la destination. Les services de police le dirigent alors vers les véhicules de la police aux frontières pour un placement en centre de rétention administrative. Calais, le 29 septembre 2021. SAMUEL GRATACAP POUR « LE MONDE »

Expulsions quotidiennes, tentes lacérées, biens confisqués… L’Etat met en œuvre une « politique de dissuasion » sur le littoral nord, qui soumet les migrants à une « humiliation et un harcèlement quotidiens », documente un rapport publié jeudi 7 octobre par l’organisation non gouvernementale (ONG) Human Rights Watch (HRW).

Dans cette publication qui paraît cinq ans après le démantèlement, en octobre 2016, de l’immense campement de Calais, surnommé la « jungle », HRW estime que « les pratiques de la police » sur le littoral « ont rendu la vie des migrants de plus en plus misérable ». Une situation qu’associations, autorités indépendantes et défenseurs des droits de l’homme dénoncent depuis des années.

A Calais, Grande-Synthe et leurs environs, où plus d’un millier de personnes vivent toujours dans les zones boisées, des entrepôts désaffectés ou sous les ponts, dans l’espoir de passer vers le Royaume-Uni, la police couple « des expulsions de masse périodiques » avec « des opérations routinières » qui poussent les exilés à se déplacer continuellement, « pendant que les agents confisquent les tentes qu’ils n’ont pu emporter avec eux – les tailladant souvent pour qu’elles ne soient plus utilisables », écrit l’ONG. « Quand la police arrive, nous avons cinq minutes pour sortir de la tente avant qu’elle ne détruise tout », témoigne ainsi Rona D., une Kurde irakienne citée dans le rapport. « La police a tailladé la bâche qui servait de toit à notre abri », expliquait-elle lorsqu’elle avait été interrogée en décembre 2020.

950 expulsions en 2020

« Rien ne peut justifier de soumettre des personnes à une humiliation et un harcèlement quotidiens », a rappelé Bénédicte Jeannerod, directrice pour la France de HRW. « Si l’objectif est de dissuader les migrants de venir dans le nord de la France, ces politiques sont un échec flagrant et plongent les personnes dans une profonde désolation. »

Selon le HRO (Human Rights Observers), une association qui s’est spécialisée dans le suivi de la situation migratoire sur le littoral nord, la police a procédé en 2020 à plus de 950 opérations d’expulsions « de routine » à Calais, 90 à Grande-Synthe, lors desquelles elle a saisi 5 000 tentes et bâches.

« Ces pratiques abusives s’inscrivent dans une politique de dissuasion plus globale des autorités, visant à supprimer ou à éviter tout ce qui pourrait, à leurs yeux, attirer les migrants dans le nord de la France et encourager l’établissement de campements ou d’autres “points de fixation” », déplore encore HRW, qui a enquêté sur place d’octobre à décembre 2020, puis en juin et juillet 2021, interrogeant notamment 60 migrants.

Une stratégie assumée par le ministère de l’intérieur, qui n’a pas répondu aux sollicitations de l’Agence France-Presse mais dont le locataire, Gérald Darmanin, expliquait en juillet à La Voix du Nord : « La consigne que j’ai donnée pour éviter de revivre ce que les Calaisiens ont connu il y a quelques années, c’est la fermeté des forces de l’ordre », qui se traduit par « des opérations toutes les vingt-quatre ou quarante-huit heures ».

« Cercle vicieux »

Elle se traduit aussi, rappelle l’ONG, par les « restrictions à l’aide humanitaire », qui se sont cristallisées dans de récents arrêtés interdisant la distribution de nourriture et d’eau par certaines associations dans le centre-ville de Calais. Restent les distributions approuvées par l’Etat. « Parfois, ils changent l’endroit où ils donnent la nourriture et on ne sait pas où aller. On essaie de courir », mais « le temps qu’on arrive, ils peuvent être déjà partis », témoigne un Syrien de 17 ans.

« En gros, les autorités font tout ce qu’elles peuvent pour rendre les conditions de vie invivables », résume Antoine Guittin, un responsable associatif local de Choose Love cité dans le rapport. Face à ce constat, Human Rights Watch exhorte la France à « rompre le cercle vicieux des expulsions et des harcèlements répétés ». Il faut surtout, demande l’ONG, « mettre fin à la pratique consistant à confisquer les tentes, bâches, sacs de couchage et couvertures dans les campements ». Le démantèlement de la « jungle » devait « mettre fin à une situation indigne », insiste Bénédicte Jeannerod. « Mais la situation actuelle est, à bien des égards, elle aussi indigne. »

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) avait dénoncé précédemment la violation des « droits fondamentaux » des exilés à Calais et Grande-Synthe. La Défenseure des droits, Claire Hédon, avait également dénoncé les conditions de vie « dégradantes et inhumaines » des migrants vivant à Calais.

Le Monde avec AFP

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Après avoir été évacué du camp situé près de l’hôpital, cet homme originaire du Kurdistan iranien refuse de monter dans un bus dont il ne connaît pas la destination. Les services de police le dirigent alors vers les véhicules de la police aux frontières pour un placement en centre de rétention administrative. Calais, le 29 septembre 2021. SAMUEL GRATACAP POUR « LE MONDE »

Expulsions quotidiennes, tentes lacérées, biens confisqués… L’Etat met en œuvre une « politique de dissuasion » sur le littoral nord, qui soumet les migrants à une « humiliation et un harcèlement quotidiens », documente un rapport publié jeudi 7 octobre par l’organisation non gouvernementale (ONG) Human Rights Watch (HRW).

Dans cette publication qui paraît cinq ans après le démantèlement, en octobre 2016, de l’immense campement de Calais, surnommé la « jungle », HRW estime que « les pratiques de la police » sur le littoral « ont rendu la vie des migrants de plus en plus misérable ». Une situation qu’associations, autorités indépendantes et défenseurs des droits de l’homme dénoncent depuis des années.

A Calais, Grande-Synthe et leurs environs, où plus d’un millier de personnes vivent toujours dans les zones boisées, des entrepôts désaffectés ou sous les ponts, dans l’espoir de passer vers le Royaume-Uni, la police couple « des expulsions de masse périodiques » avec « des opérations routinières » qui poussent les exilés à se déplacer continuellement, « pendant que les agents confisquent les tentes qu’ils n’ont pu emporter avec eux – les tailladant souvent pour qu’elles ne soient plus utilisables », écrit l’ONG. « Quand la police arrive, nous avons cinq minutes pour sortir de la tente avant qu’elle ne détruise tout », témoigne ainsi Rona D., une Kurde irakienne citée dans le rapport. « La police a tailladé la bâche qui servait de toit à notre abri », expliquait-elle lorsqu’elle avait été interrogée en décembre 2020.

950 expulsions en 2020

« Rien ne peut justifier de soumettre des personnes à une humiliation et un harcèlement quotidiens », a rappelé Bénédicte Jeannerod, directrice pour la France de HRW. « Si l’objectif est de dissuader les migrants de venir dans le nord de la France, ces politiques sont un échec flagrant et plongent les personnes dans une profonde désolation. »

Selon le HRO (Human Rights Observers), une association qui s’est spécialisée dans le suivi de la situation migratoire sur le littoral nord, la police a procédé en 2020 à plus de 950 opérations d’expulsions « de routine » à Calais, 90 à Grande-Synthe, lors desquelles elle a saisi 5 000 tentes et bâches.

« Ces pratiques abusives s’inscrivent dans une politique de dissuasion plus globale des autorités, visant à supprimer ou à éviter tout ce qui pourrait, à leurs yeux, attirer les migrants dans le nord de la France et encourager l’établissement de campements ou d’autres “points de fixation” », déplore encore HRW, qui a enquêté sur place d’octobre à décembre 2020, puis en juin et juillet 2021, interrogeant notamment 60 migrants.

Une stratégie assumée par le ministère de l’intérieur, qui n’a pas répondu aux sollicitations de l’Agence France-Presse mais dont le locataire, Gérald Darmanin, expliquait en juillet à La Voix du Nord : « La consigne que j’ai donnée pour éviter de revivre ce que les Calaisiens ont connu il y a quelques années, c’est la fermeté des forces de l’ordre », qui se traduit par « des opérations toutes les vingt-quatre ou quarante-huit heures ».

« Cercle vicieux »

Elle se traduit aussi, rappelle l’ONG, par les « restrictions à l’aide humanitaire », qui se sont cristallisées dans de récents arrêtés interdisant la distribution de nourriture et d’eau par certaines associations dans le centre-ville de Calais. Restent les distributions approuvées par l’Etat. « Parfois, ils changent l’endroit où ils donnent la nourriture et on ne sait pas où aller. On essaie de courir », mais « le temps qu’on arrive, ils peuvent être déjà partis », témoigne un Syrien de 17 ans.

« En gros, les autorités font tout ce qu’elles peuvent pour rendre les conditions de vie invivables », résume Antoine Guittin, un responsable associatif local de Choose Love cité dans le rapport. Face à ce constat, Human Rights Watch exhorte la France à « rompre le cercle vicieux des expulsions et des harcèlements répétés ». Il faut surtout, demande l’ONG, « mettre fin à la pratique consistant à confisquer les tentes, bâches, sacs de couchage et couvertures dans les campements ». Le démantèlement de la « jungle » devait « mettre fin à une situation indigne », insiste Bénédicte Jeannerod. « Mais la situation actuelle est, à bien des égards, elle aussi indigne. »

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) avait dénoncé précédemment la violation des « droits fondamentaux » des exilés à Calais et Grande-Synthe. La Défenseure des droits, Claire Hédon, avait également dénoncé les conditions de vie « dégradantes et inhumaines » des migrants vivant à Calais.

Le Monde avec AFP

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