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Accusé de conflits d’intérêts, le premier ministre tchèque multiplie les attaques contre Bruxelles

Le premier ministre tchèque Andrej Babis, lors d’une conférence de presse, à Prague, en juin 2019. MICHAL CIZEK / AFP

A l’entrée du « Nid de cigogne », un gigantesque complexe abritant un hôtel de luxe, un haras et un « écocentre » situé à une heure de Prague, le gardien ne s’embarrasse pas de précaution. Depuis sa guérite, ce jeudi 30 septembre, il offre à tous les visiteurs qui le souhaitent « Partagez, avant qu’ils l’interdisent ! », le dernier ouvrage d’Andrej Babis, propriétaire et actuel premier ministre tchèque, en pleine campagne pour sa réélection lors des élections législatives organisées vendredi 8 et samedi 9 octobre dans ce pays d’Europe centrale.

« Prenez-le, c’est gratuit », dit le gardien en tendant l’ouvrage qui arbore en couverture la photo en gros plan de celui qui est aussi la cinquième fortune du pays. Depuis 2017 et l’arrivée au pouvoir de cet homme d’affaires de 67 ans, le « Nid de cigogne » est pourtant censé être géré en toute indépendance du premier ministre, par un des deux fonds fiduciaires dans lequel il a placé tous ses biens. C’est en tout cas ce que rétorque M. Babis à tous ceux qui l’accusent de « conflit d’intérêts » parce que son groupe de plus de 250 sociétés, allant de l’agrochimie aux médias, en passant par le tourisme, touche chaque année des millions d’euros de fonds européens.

En avril, un long rapport de la Commission européenne a confirmé ce qui saute aux yeux au « Nid de cigogne » : l’indépendance de ces fonds fiduciaires est toute relative. « Considérant que M. Babis a défini les objectifs de son fonds fiduciaire, nommé tous ses directeurs, qu’il peut les renvoyer, il peut être estimé qu’il garde une influence décisive directe aussi bien qu’indirecte », écrivent les fonctionnaires européens, en demandant à la République tchèque de rembourser plus de 50 millions d’euros de fonds communautaires versés aux entreprises du premier ministre depuis 2017.

Le gouvernement tchèque a décidé de contester cette décision. Et, imperturbable, M. Babis fait depuis campagne « pour défendre notre souveraineté » contre « Bruxelles », qui voudrait forcer la République tchèque « à accueillir des migrants illégaux » ou « nous appauvrir à cause de la folie environnementale ». Bien qu’il soit membre du très proeuropéen groupe Renaissance d’Emmanuel Macron au Parlement de Strasbourg, il s’affiche aussi régulièrement avec le premier ministre nationaliste hongrois, Viktor Orban, son « ami ».

« Un populiste tactique »

Comment expliquer cette dérive d’un homme d’affaires entré en politique en 2011 à la tête de son parti baptisé « Action des citoyens mécontents » (ANO, en tchèque) et initialement destiné à « battre l’hydre de la corruption » ? M. Babis n’a pas donné suite aux demandes d’interview. Au contraire, il a même fait bannir Le Monde et d’autres médias étrangers d’une conférence de presse et d’un meeting de campagne organisés avec M. Orban le 29 septembre. Connu pour sa grande versatilité, cet ancien communiste, qui fut répertorié comme collaborateur de la police politique dans les années 1980 avant de s’enrichir mystérieusement dans les années 1990, est « un populiste tactique qui s’aligne sur son électorat et sait le séduire avec son langage simple », avance Otto Eibl, directeur du département de science politique de l’université de Brno.

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