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En Pologne, le ministre de la justice accusé de détournement de fonds

Le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, le chef du parti Droit et justice Jaroslaw Kaczynski, celui du parti Accord, Jaroslaw Gowin, et le ministre de la justice et leader du parti Pologne solidaire, Zbigniew Ziobro, à Varsovie, le 26 septembre 2020. AGENCJA GAZETA / VIA REUTERS

C’est sans doute l’une des plus importantes affaires gouvernementales du parti national-conservateur Droit et justice (PiS), dénoncée de longue date par l’opposition, et qui se retrouve désormais attestée par un organisme d’Etat. Dans un rapport rendu public le 30 septembre, la Haute Cour de contrôle polonaise (NIK), l’équivalent de la Cour des comptes, accuse le ministre de la justice, Zbigniew Ziobro, grand artisan des réformes judiciaires jugées antidémocratiques par Bruxelles, de détournements massifs de fonds publics, essentiellement à des fins de clientélisme électoral.

Sans équivoque, la Cour confirme ainsi de nombreuses enquêtes menées par des médias indépendants : le Fonds pour la justice, un instrument financier censé venir en aide aux victimes de crimes et délits et à la réinsertion des détenus, est devenu, en l’espace de quelques années, un immense outil à subventionner les membres de la société civile et les politiques proches du microparti de M. Ziobro, Pologne solidaire (SP), la frange la plus radicale de la coalition au pouvoir. Selon la Cour, le montant des fonds dépensé de manière irrégulière s’élèverait à 280 millions de zlotys (60,8 millions d’euros).

« Les actions du ministre de la justice et d’une partie importante des bénéficiaires des subventions ont entraîné des dépenses inutiles et inappropriées, et ont favorisé la création de mécanismes générateurs de corruption, peut-on ainsi lire dans le communiqué de la Cour. Le ministre n’a pas fourni à tous les bénéficiaires potentiels un accès égal et transparent aux fonds publics. Tant dans le cas des appels d’offres pour les organisations non gouvernementales que pour les subventions au secteur public, les décisions d’octroi de cofinancements étaient prises sur des bases arbitraires. »

Instrument d’influence

La Cour parle également à plusieurs reprises de « conflits d’intérêts manifestes ». Selon elle, seules 34 % des ressources du Fonds pour la justice étaient en réalité destinées à l’aide aux victimes, et 4 % à l’aide à la réinsertion. Une partie significative des sommes ont servi à la promotion des réformes de la justice mises en œuvre depuis six ans. Ces dernières, qui remettent notamment en cause la séparation des pouvoirs et l’indépendance des tribunaux, sont sous le coup d’une procédure « d’atteinte à l’Etat de droit », enclenchée par la Commission européenne depuis janvier 2016.

Mais la Cour a avant tout mis en lumière un vaste instrument d’influence électorale et médiatique, alors que le parti de M. Ziobro reste relativement marginal au sein de la majorité et lutte sans cesse avec le PiS pour les grâces de la frange la plus à droite de l’électorat. On retrouve ainsi sur la liste des bénéficiaires du fonds de nombreuses organisations catholiques fondamentalistes et antiavortement, dont la fondation du prêtre ultra-catholique Tadeusz Rydzyk, propriétaire d’un empire médiatique comprenant une radio, une télévision, un journal, ainsi qu’une école de journalisme parmi les plus modernes de Pologne.

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