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En Afghanistan, la théocratie des talibans déjà confrontée à ses vieux démons

Analyse. Forts de leur maxime, « vous avez la montre, nous avons le temps », qui, disent-ils, leur a permis de battre l’armée américaine, les talibans ne doutent pas qu’ils finiront par imposer au monde leur retour au pouvoir. Les résistances de la communauté internationale, apparues depuis la chute de Kaboul, le 15 août, ne sont, selon eux, qu’injustice et atteinte à leur souveraineté. Rien ne semble pouvoir faire ciller les mollahs afghans. Ni la catastrophe humanitaire qui menace le pays, ni une économie en péril, ni le refus, pour l’heure, d’une reconnaissance diplomatique de leur régime, ni même les pressions des pays amis. La théocratie à l’afghane montre peu à peu son visage.

Les vives critiques qui ont ponctué les premières semaines d’exercice du pouvoir demeurent incomprises du régime taliban. A ses yeux, le gel des fonds de la Banque centrale afghane aux Etats-Unis, comme le conditionnement de l’aide humanitaire au respect des droits humains, relève de l’ingérence extérieure. Les talibans, considérant qu’ils ont appris de leurs erreurs passées, à l’époque où ils ont hébergé Al-Qaida et n’avaient de relations avec le reste du monde que par le biais du voisin pakistanais, estiment avoir changé. Ils ont accordé l’amnistie à tous ceux qui ont servi l’ancien gouvernement. Ils prétendent, cette fois-ci, laisser, sous conditions, les filles aller à l’école, et les femmes travailler. Enfin, ils ont une vue plus large du monde grâce aux liens noués avec les capitales étrangères depuis dix ans.

Sensibilité aux doutes sur leur autonomie

Ils affirment aussi avoir été sous-estimés. N’ont-ils pas démontré leur habileté en menant de main de maître, entre 2018 et 2020, la négociation bilatérale, à Doha (Qatar), avec les Etats-Unis, auxquels ils ont dicté leurs termes et leur agenda ? Interrogé mi-septembre, à Kaboul, le ministre des sports taliban, Bachid Ahmad Rumstamzaï, expliquait : « La vraie joie, c’était le 29 février 2020, lors de la signature de l’accord de retrait des Etats-Unis à Doha, car c’est là que nous avons défait nos seuls véritables adversaires, les Américains. On a montré qu’on savait aussi bien faire de la politique que la guerre. Il n’a pas été difficile, ensuite, de faire chuter le régime d’esclaves qui restait à Kaboul. »

D’où leur extrême sensibilité aux doutes exprimés au sujet de leur autonomie de décision, notamment par rapport au Pakistan, qui les a hébergés pendant vingt ans. Des doutes pourtant confortés par la venue triomphante du chef des services secrets militaires du Pakistan (ISI) à Kaboul, quelques jours après la victoire talibane. Mais, lorsque le premier ministre pakistanais, Imran Khan, indique, à la mi-septembre, qu’il souhaite un gouvernement taliban plus représentatif des forces politiques du pays, il s’attire les foudres des chefs talibans. « Nous ne donnons à personne le droit d’appeler à un gouvernement inclusif », a répliqué l’un d’eux, Mohammad Mobeen.

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