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Nicolas Sarkozy « reste populaire » mais « les temps ont changé » : les médias étrangers réagissent à la condamnation de l’ex-président

Meeting de campagne de Nicolas Sarkozy, à Marseille, le 19 février 2012. PATRICK AVENTURIER / GETTY IMAGES VIA AFP

« Mon Dieu ! » Le tabloïd allemand Bild n’a pas lésiné sur la formulation, en français dans le texte, pour annoncer la condamnation de Nicolas Sarkozy, jeudi 30 septembre, à un an de prison ferme pour le dépassement du plafond des dépenses de sa campagne présidentielle de 2012. Dans cette affaire, l’ex-président – qui a fait appel – n’était pas mis en cause pour le système de fausses factures au cœur de la fraude, mais pour avoir dépassé de plus de 20 millions d’euros le seuil légal de dépenses électorales.

Vendredi, les sites Internet de nombreux médias européens et anglo-saxons mettent en avant, parfois dès leurs titres, comme le Washington Post, que Nicolas Sarkozy ne séjournera sans doute pas en prison, puisque la peine prononcée est aménageable en détention à domicile sous surveillance par bracelet électronique. A ses lecteurs, Bild explique que M. Sarkozy a été condamné parce que « beaucoup d’argent » a été dépensé pour des shows de campagne « extravagants ». Un qualificatif employé aussi par le Guardian, qui décrit avec emphase et luxe de détails les meetings du candidat en 2012 :

« Perçu comme l’un des meilleurs orateurs de la droite française, il prononçait des discours tonitruants depuis des scènes clinquantes, construites exprès, dans des salles immenses et devant un public nombreux, soutenu par des musiques composées pour l’occasion, tandis que des réalisateurs de renom filmaient ces extravagances pour la télévision et diffusaient les images sur des écrans géants. »

Que Nicolas Sarkozy se trouve désormais sous le coup de deux décisions privatives de liberté – il a été condamné en mars pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « des écoutes », jugement dont il a aussi fait appel – est une « situation extraordinaire et sans précédent » selon le journal britannique, qui remarque qu’elle ne l’empêche pas de « maintenir une importante présence publique, publiant un livre sur la culture ce mois-ci, et se faisant régulièrement appeler à la télévision pour commenter la course présidentielle » du printemps 2022.

« Nouvelle tache »

Les journaux américains relèvent aussi que ces condamnations ne font pas baisser la cote de l’ancien chef de l’Etat : aux yeux du Financial Times, il « reste populaire dans l’électorat de centre droit ». Le New York Times partage cet avis, rappelant que beaucoup de prétendants de droite à l’Elysée « convoitent son soutien » en dépit de son « retour raté » en 2016, quand il avait été éliminé au premier tour de la primaire de la droite. L’ancien président « reste une figure influente dans l’establishment français et a des relations cordiales avec Emmanuel Macron », affirme le Wall Street Journal, qui voit cependant dans cette seconde condamnation une « nouvelle tache » sur « l’héritage d’un ancien chef d’Etat dont le parti a pour racines une politique de la loi et de l’ordre ».

Outre-Rhin, la Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) s’inquiète aussi des effets de cette condamnation sur le parti Les Républicains, « qui reste profondément divisé sur la manière de gérer l’héritage de Sarkozy », d’autant plus que son ex-premier ministre François Fillon, rappelle le titre, a été condamné à la prison en première instance (jugement dont il a fait appel). La FAZ donne rendez-vous au 4 décembre, quand les membres du parti, réunis en congrès, devront désigner leur candidat pour 2022.

Un éditorial du même journal se félicite en tout cas d’un « signal pour la France » :

« Ce jugement (…) aura un effet dissuasif sur les responsables politiques ultérieurs (…). Pour l’élection présidentielle de l’année prochaine, nous verrons des combats difficiles, ils doivent être menés selon les règles. »

Et d’ajouter qu’il « serait préférable que ce ne soient pas les juges qui remettent les politiciens à leur place, mais les électeurs ».

« Vedette »

La Süddeutsche Zeitung, pour qui « la réputation de président bling-bling de Sarkozy n’est pas un hasard », pense aussi que sa condamnation marque « la fin d’une époque où les hauts responsables politiques se sentaient largement inattaquables ». Et de citer la campagne électorale de 1995 : le Conseil constitutionnel avait alors validé les comptes des campagnes présidentielles d’Edouard Balladur et de Jacques Chirac en toute conscience des irrégularités qui les entachaient. Pour The Irish Times, à Dublin, les condamnations de M. Sarkozy « tiennent davantage du déshonneur que d’une punition réelle (…). La décision de jeudi sert à avertir les candidats que les temps ont changé ».

L’éditorial du Temps adopte un ton plus sombre, estimant que « la République sort accablée de ce bras de fer judiciaire. Nicolas Sarkozy (…) n’en finit pas de proclamer que son honneur a été sali, et que la justice le traque, alors que les faits sont là ». Pour le titre suisse, les électeurs français qui se sont rendus aux urnes en 2012 « l’ont fait à l’issue d’une campagne biaisée ».

Au sud des Pyrénées enfin, on souligne que l’ancien président français se trouvait à Madrid la veille de sa condamnation, à l’invitation du Parti populaire (droite), réuni pour sa convention nationale. Pas de quoi embarrasser les conservateurs espagnols, selon El Pais, qui soutiennent que l’ex-président français a été invité avant sa condamnation de mars. L’ancien président reste la « vedette » du rassemblement, estime le quotidien : il n’est « pestiféré ni en France ni [ailleurs dans le] monde ».

Mais la twittosphère espagnole se moque. « Avoir le sens du timing, disent les Français », a réagi Enric Juliana, un éditorialiste de La Vanguardia, dans un message rapporté par Equinox Magazine, publication francophone basée à Barcelone. « Sarkozy, sois fort », s’est aussi moquée la chef de la gauche radicale en Catalogne, Jessica Albiach, en référence à des mots qu’aurait prononcés Mariano Rajoy, l’ancien premier ministre conservateur, au trésorier de son parti condamné pour corruption. La formule, selon Equinox, est devenue culte en Espagne.

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