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Burkina Faso : à Ouagadougou, ces déplacés que l’on ne veut ni voir ni compter

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Les personnes déplacées ont dû construire leurs abris à l’aide de vieilles nattes, de bâches en plastique et de tôles. Ici, à Ouagadougou, le 14 septembre 2021. SOPHIE DOUCE

Une ombre s’enfonce dans un dédale de ruelles boueuses. Kadidja*, un long voile couvrant ses épaules, a passé la journée à mendier devant un feu tricolore de Ouagadougou, la capitale burkinabée. A force, elle s’est habituée à l’indifférence des automobilistes, qui la regardent sans la voir ou remontent leur vitre dès qu’elle s’approche pour quémander quelques pièces. A 52 ans, ses jambes la font souffrir et son dos s’est courbé sous le poids de la fatigue, de la honte. « Jamais » elle n’aurait imaginé devoir faire la quête un jour.

Il y a quelques mois, Kadidja fabriquait des maisons en paille, dans son village, près de Déou, dans le nord du Burkina Faso. Là-bas, elle cultivait du mil, élevait des bœufs et des chèvres. « Il y avait toujours à manger », assure-t-elle. Jusqu’à ce jour de mai, lorsque des terroristes sont arrivés chez elle et ont exécuté ses trois fils et son beau-frère, sous ses yeux. « Ils ont tué tous les hommes, brûlé les greniers et volé le bétail », murmure la veuve, réfugiée avec ses dix enfants et petits-enfants dans la capitale, à plus de 300 kilomètres plus au sud. « Il n’y a qu’ici », confie-t-elle, qu’elle se sent « en sécurité ».

Comme elle, ils sont de plus en plus nombreux à Ouagadougou à avoir fui les violences des groupes djihadistes. Des déplacés inexistants aux yeux des autorités qui refusent de les compter, préférant les rediriger vers d’autres sites aménagés dans le nord du pays, où les tueries ne cessent de s’aggraver. Au Burkina Faso, plus d’un million de personnes ont été forcées de quitter leur foyer depuis 2017. Selon nos informations, ils seraient plusieurs milliers dans la capitale. « Une bombe à retardement », s’inquiètent des sources humanitaires.

Chaque soir, Kadidja fait tinter les pièces dans sa poche. Ce jour-là, elle a gagné 1 000 francs CFA (1,50 euro). De quoi se payer un peu de riz pour l’unique repas quotidien de la famille. La viande, les légumes, le lait, cela fait bien longtemps qu’ils n’en ont plus goûté. « Mendier pour manger », est la seule solution que la cheffe de famille ait trouvée. La nuit, elle dort avec ses enfants dans trois petites maisons au toit de tôle. Mais les images des cadavres laissés derrière elle l’empêchent de trouver le sommeil.

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