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Clifford Chanin : « Partout, les sociétés font un travail de mémoire en lien avec un passé violent»

« Le Monde du 11-Septembre », fresque réalisée par Enki Bilal pour le Mémorial de Caen dans le cadre de l’exposition « 11 septembre. Il y a 20 ans, la fin d’un monde », prolongée jusqu’en avril 2022. ENKI BILAL POUR LE MEMORIAL DE CAEN

Clifford Chanin est le vice-président exécutif du 9/11 Memorial and Museum. Il dirige également les programmes du musée. C’est dans cet édifice que se sont déroulées les cérémonies commémorant les attentats qui endeuillèrent les Etats-Unis en 2001.

Chaque année, le mémorial accueille 6 millions de visiteurs venus rendre hommage aux victimes des attentats. Quelle est l’intention de ce lieu de mémoire ?

Parmi plus de 5 000 projets reçus, le jury a choisi celui de l’architecte Michael Arad, intitulé Reflecting Absence [« reflet de l’absence »], qui a été conçu autour de l’idée du vide créé par l’effondrement des tours du World Trade Center. Ce vide est préservé par deux bassins où l’eau circule dans l’empreinte des deux bâtiments. Autour, des parapets sur lesquels sont gravés les noms des victimes encadrent cette absence. Ce concept est à la fois simple et très puissant.

Il a fallu dix années de réflexion avant que soit inauguré ce mémorial. Que retenez-vous en particulier de ce processus ?

Alors que nous avions engagé une longue réflexion sur la création de ce mémorial, que nous organisions des rencontres avec les familles de victimes, les autorités et les institutions – la police, les pompiers… – durement touchées par l’attentat, notre téléphone s’est mis à sonner. D’autres villes, frappées elles aussi par des attentats terroristes et désemparées face au défi de la préservation de la mémoire des victimes, nous demandaient de l’aide et des conseils : après les attentats d’Oslo et d’Utoya en 2011 [perpétrés par Anders Breivik, un Norvégien ultranationaliste de droite et qui firent 77 morts], ou les attentats du marathon de Boston en 2013 [commis par deux hommes d’origine tchétchène, faisant deux morts]. Ces appels ne se sont pas limités à des actes terroristes : on a rencontré l’équipe qui travaillait sur la tuerie de l’école primaire Sandy-Hook, dans le Connecticut, en 2012 [28 morts dont 20 enfants], celle du mémorial du naufrage du ferry sud-coréen Sewol, en 2014, qui a fait 304 morts, pour la plupart des lycéens, ou encore celle qui a géré les suites de l’incendie de la tour Grenfell à Londres, en 2017 [72 morts]. J’ai été très surpris par ce flot de demandes. Bien avant que nous inaugurions notre musée, et à notre insu, nous sommes devenus une référence : les gens avaient remarqué ce que nous faisions chez nous et quand, à leur tour, ils subissaient une tragédie, ils nous appelaient. Malheureusement, notre téléphone a sonné bien trop souvent.

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