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« Tout ce qui se joue depuis un demi-siècle concourt à une sécularisation turbulente de l’islam »

S’il est tentant de croire que l’islam est rétif à la sécularisation, à la séparation de la religion et de l’Etat, tout ce qui se joue empiriquement depuis plus d’un demi-siècle concourt en réalité à une sécularisation accélérée et turbulente de l’islam. Durant la phase historique cruciale des indépendances politiques (1950-1960), la plupart des pays du monde musulman vivaient en régime strictement laïc, de l’Egypte nassérienne à l’Irak et à la Syrie baathistes, en passant par l’Algérie du FLN – sans oublier la Turquie kémaliste et le Pakistan de Jinnah.

Ben Barka, Ben Bella, Modibo Keïta, Soekarno et autres leaders nationalistes d’Afrique-Asie s’inscrivaient dans l’internationale des pays non alignés : l’usage de la religion en politique était hors sujet ou considéré comme réactionnaire. Il reste des traces de cette sécularisation dans certains pays du Sahel (notamment au Sénégal, au Mali et au Tchad) avec l’inscription jusqu’à présent dans la Constitution du caractère « laïc » de l’Etat. L’islam contemporain se vit très majoritairement en régime républicain plutôt que sous le règne monarchique. C’est là un signe manifeste de son caractère égalitaire et séculier.

On désigne habituellement l’islamisme – l’islam politique ressourcé idéologiquement dans le mouvement des Frères musulmans créé en Egypte en 1929 – comme le principal ennemi et le plus grand danger de la démocratie, de la laïcité et du pluralisme. Or, dans la seconde moitié du XXe siècle, l’instrumentalisation de la religion à des fins politiques a été le fait d’Etats séculiers occidentaux et de pétromonarchies arabes.

Politisation de la religion

Les faits historiques montrent que cette politisation de la religion émergea dans le contexte idéologique de la guerre froide et de la décolonisation des pays du sud. L’islamisme fut non seulement encouragé mais largement appuyé géopolitiquement et même logistiquement par les puissances occidentales, Etats-Unis en tête, qui y ont vu un moyen de contrer l’influence de l’empire soviétique régnant sur le vaste espace afro-asiatique.

Sans cet appui, l’islamisme n’aurait pu émerger, dès les années 1970, dans des pays qui étaient sous l’ère d’influence de l’URSS (telle l’Egypte de Sadate). Il s’agissait de favoriser une offre politique religieusement inspirée et ressourcée par les pétromonarchies pour contrecarrer l’impact subversif des socialistes et des communistes. Les Frères musulmans ont été considérés à cette époque pour leurs affinités électives avec les valeurs de l’économie libérale et, dans cette perspective, furent des alliés objectifs dans la lutte idéologique du « monde libre ».

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