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« Tout a changé »: dans la Roya, le fragile retour des touristes après la tempête

Au bord de la rivière Roya, Paul Commenges, moniteur de rafting, aide un groupe à se mettre à l’eau. Dans ce paradis alpin dévasté par une tempête exceptionnelle en octobre, « tout a changé » et les difficultés d’accès routier fragilisent le retour des touristes.

Porte d’entrée de la vallée des Merveilles, célèbre pour ses majestueuses roches constellées de gravures préhistoriques, et point de communication millénaire avec l’Italie, la région de la Roya a survécu à des cumuls de pluie jamais vus qui ont fait 10 morts et huit disparus dans l’ensemble du département des Alpes-Maritimes.

La reconstruction devait aller « très vite », promesse du président français Emmanuel Macron au lendemain de la catastrophe, il y a dix mois.

Montage photos d’une rue de Breil-sur-Royal sous la boue après la tempête Alex, le 5 octobre 2020 (en haut) et la même rue, le 12 août 2021 (AFP – Valery HACHE)

Mais dans la Roya, malgré des travaux titanesques, l’ampleur des dégâts pèse sur le quotidien des habitants et sur la reprise touristique d’une destination qui attirait habituellement des dizaines de milliers de visiteurs l’été.

« Cette année, c’est compliqué », reconnaît Anne Servel, 53 ans dont l’hôtel-auberge au hameau de Casterino est accessible uniquement à pied ou par piste forestière. Il n’y a plus de route. « C’est un peu comme pour monter en refuge », dit-elle.

« On travaille un petit peu mais on n’est jamais plein comme en période normale. On a les randonneurs mais plus la clientèle qui venait à la journée pour l’accrobranche, le cheval ou la pêche. Pas d’enfants et pas de familles », ajoute-t-elle, « pas très optimiste » pour l’été prochain, malgré un patrimoine naturel et culturel globalement intact.

Seule bouffée d’air, et elle est précieuse, la SNCF a relancé en mai le train panoramique des Merveilles au prix de mois de travaux. Chaque jour, une centaine de visiteurs embarquent à Nice pour une époustouflante promenade commentée par conférencier le long de cette ligne aux ouvrages d’art remarquables.

Montage photos du dégagement de troncs d’arbres venus buter contre un pont de Breil-sur-Roya après la tempête Alex, le 5 octobre 2020 (en haut) et le même pont, le 12 août 2021 (AFP – Valery HACHE)

Le train est gratuit jusqu’à fin septembre, notamment pour soutenir la fréquentation, et le bureau de tourisme du village de Tende –terminus du train– enregistre une hausse de 26% des visiteurs à la journée.

Pour le reste en revanche, le compte n’y est pas. Tende enregistre moitié moins de vacanciers en séjours. C’est pire à Breil-sur-Roya, où le camping, la piscine et un hôtel ont été rayés de la carte.

– « Sans route, les gens vont ailleurs » –

Egalement disparue et pour longtemps, la clientèle des automobilistes italiens: Ils ne passent plus puisque la vallée est devenue un cul-de-sac et ne permet plus de gagner le Piémont voisin.

Devant la tête française du tunnel de Tende, qui permettait la liaison entre les deux pays, l’eau a creusé un précipice. Aucune date de réouverture n’a été fixée par la conférence intergouvernementale franco-italienne.

Un couple de touristes dans une rue de Breil-sur-Royal, dix mois après la tempête Alex, le 12 août 2021 dans les Alpes-Maritimes (AFP – Valery HACHE)

« Sans route et sans hôtellerie, les gens vont ailleurs », se désole Mathieu Bresson, 44 ans, moniteur de canyoning à Breil-sur-Roya, dont l’entreprise tourne à 50% de son chiffre d’affaires estival habituel et fait travailler trois fois moins de guides.

Le canyon de la Maglia avec ses fameux toboggans mesurant jusqu’à 12 mètres, qui attirait une clientèle venant de toute l’Europe, n’est plus praticable, bouché par du sable et des cailloux. Jusqu’à quand? « On ne sait pas, il faut laisser agir la nature », répond Mathieu.

Il reste trois autres itinéraires de canyoning, Fanghetto, Carleva et Bendola, qui ont rouvert au prix d’un énorme nettoyage pour extraire des tonnes de ferraille, de morceaux de pont, de barrières et de carcasses de voitures. « On s’est battu pour rouvrir (ces itinéraires) mais mentalement c’est usant », dit-il.

« La crue a arraché tout ce qui est arbre, tout a changé. Il y a très peu d’ombre et plus de fond à certains endroits », témoigne-t-il. Un paysage dénudé a remplacé l’enchaînement des piscines naturelles d’un bleu translucide où il entraînait ses clients pour des sensations fortes en eaux vives, agrémentées de pauses idylliques en pleine nature, sous les feuillages.

Des touristes s’apprêtent à descendre en rafting la rivière Roya, dix mois après la tempête Alex, le 12 août 2021 à Breil-sur-Roya, dans les Alpes-Maritimes (AFP – Valery HACHE)

La nature dans la Roya « reste un très bel outil », se résigne son collègue Paul Commenges. En contrebas du village perché de Saorge, lui et son groupe de touristes français, allemands et belges entrent dans les flots turquoises avec leurs embarcations pneumatiques. La carte postale serait presque parfaite, n’était-ce, au-dessus de leur tête, une portion de route arrachée, stigmate de la catastrophe.

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