France World

Jay Vine, une Vuelta grâce à la plateforme virtuelle Zwift

Engagé dans le Tour d’Espagne qui s’élance ce samedi, Jay Vine a rejoint l’équipe Alpecin-Fenix cette année après avoir remporté son contrat lors d’une compétition virtuelle. Focus sur la trajectoire pas comme les autres du coureur australien qui a terminé deuxième de sa première course chez les pros et accompagné Egan Bernal et Mikel Landa en montagne lors du récent Tour de Burgos.

Il se dit « honoré » et « très reconnaissant de cette opportunité »: « C’est la plus grosse chose que j’ai faite jusque-là! » A l’heure du départ de la Vuelta, ce samedi, vous ne trouverez aucun cycliste plus heureux que Jay Vine. L’Australien dispute son premier Grand Tour en carrière sur les routes espagnoles. Une situation improbable si on remonte il y a tout juste deux ans. Le coureur de vingt-cinq ans doit sa présence à la Vuelta à sa victoire lors de la cinquième édition de la Zwift Academy.

Zwift? Mais quèsaco? Une plateforme dont la notoriété a explosé en 2020 avec les confinements à travers la planète qui permet de connecter son vélo d’appartement à un ordinateur pour des courses où l’effort est réel mais la progression sur la route virtuelle. Et qui a offert à Jay Vine son Graal: rejoindre une équipe professionnelle et disputer les plus grandes courses du calendrier. Avec sa victoire – annoncée le 20 décembre dernier, comme un cadeau de Noël avant l’heure – dans la compétition, où il a battu en finale le Néerlandais Jochem Kerckhaert, le Belge Lionel Vujasin et les Britanniques Damien Clayton et Olivier Moors malgré un problème technique de son matériel lors du contre-la-montre, l’Australien a en effet décroché un contrat avec l’équipe Alpecin-Fenix de Mathieu van der Poel. La récompense d’un parcours qui l’a vu prendre des risques pour vivre son rêve.

Jay Vine commence à faire du vélo au lycée. Avec sa future femme Bre, qui a pris la plume pour raconter leur histoire sur le site Bicycling Australia, ils se prennent au jeu et roulent de plus en plus. Jusqu’à décrocher de l’aide de l’entreprise Davy Sprocket, qui décide de « sponsoriser » leur envie d’aller se tester dans des courses. Les épreuves locales font monter sa réputation et Jay finit par rejoindre la formation australienne Nero Continental. Mais il doit toujours travailler à côté pour subvenir à ses besoins. Une participation à la New Zealand Cycle Classic en janvier 2019, où il termine troisième du général et du classement de la montagne, le décide à annoncer la couleur à madame: « Je peux m’imaginer faire ça pour gagner ma vie ».

« Quand est-ce que je commence? »

Fini le VTT, qu’il pratiquait aussi, et place à la route à plein temps. Le garçon qui tente alors de dénicher un nouveau job décide de ne plus chercher et de se consacrer à l’entraînement sur l’idée Bre, qui travaille pour une entité gouvernementale et accepte de ramener seule l’argent du foyer pour soutenir son homme dans sa quête d’un contrat avec une équipe World Tour, objectif annoncé. La pandémie le coupe dans son élan en mars 2020, un mois après un Jayco Herald Sun Tour terminé à la cinquième place du général alors qu’il visait le top 10 (il avait terminé 31e du championnat national en ligne quelques semaines avant). Mais elle lui ouvre aussi d’autres perspectives.

Avec sa femme, ils participent aux National Road Series (course locale en Australie) version virtuelle. Dont il remporte le classement final. Il prend part à d’autres courses virtuelles avec l’équipe australienne de e-cyclisme AERO et enchaîne des centaines de sessions Zwift avec Bre. Mais avec la situation sanitaire et l’absence de courses dans le monde réel, ses chances de rejoindre le peloton professionnel en 2021 semblent tomber à l’eau. La Zwift Academy va lui permettre de cultiver l’espoir. Jusque-là réservée aux coureurs de vingt-trois ans ou moins, la compétition s’ouvre à tous les âges en 2000.

Jay Vine saute sur l’occasion et ne néglige rien dans sa préparation, poussée au maximum même s’il était déjà un des favoris de la compétition pour ceux qui l’avaient vu à l’œuvre dans les courses australiennes comme les National Road Series – version réelle, cette fois – en décembre, où ce coureur polyvalent mais plutôt grimpeur remporte un contre-la-montre avant de s’imposer sur un sommet. Quelques jours plus tard, sa victoire à la Zwift Academy est annoncée et le contrat tombe avec Alpecin-Fenix (une Pro Team, la deuxième division du cyclisme, dont elle était la meilleure en 2020), porte d’entrée vers cette nouvelle vie dont il rêvait. « Je suis en extase, savoure-t-il alors. Je ne trouve pas les mots. Je ne pensais pas que ça arriverait cette année. C’est juste incroyable. Je suis déjà impatient d’y être. Quand est-ce que je commence? Je n’aime pas le champagne mais on va tout de même partager une bouteille avec Bre pour fêter ça. C’est vraiment un moment spécial. Je vais être dans l’équipe de Mathieu van der Poel. Rien que le dire paraît ridicule. »

« Je me suis effondrée en larmes quand on lui a annoncé, avoue sa femme. Et pas des petites larmes mais des vrais pleurs. Cela voulait dire tellement de choses pour nous… Je savais qu’il atteindrait la scène du World Tour mais je ne savais pas comment on allait pouvoir faire pour y arriver et je suis tellement soulagée qu’on lui ait donné cette opportunité. » Soutien indéfectible, Bre Vine est la première personne remerciée par Jay pour son contrat: « Elle travaille à plein temps depuis deux ans pour me soutenir dans mon entraînement. Avec la pandémie, justifier que je n’avais pas de job alors qu’il n’y avait plus de courses était compliqué mais elle m’a toujours soutenu. C’est pour elle. »

Deuxième pour une première

Après quelques mois pour régler le déménagement – compliqué par la situation sanitaire – de Canberra à la Gérone, en Catalogne, sa nouvelle aventure chez les pros débute au Tour de Turquie, en avril, sa première grande course européenne. Qu’il conclut à la deuxième place du général (!), une seule petite seconde derrière l’Espagnol José Manuel Diaz, après avoir terminé deuxième de la grande étape de montagne (et chuté à 2,3 kilomètres d’une dernière étape où il n’aura pas réussi à aller chercher la bonification nécessaire pour s’imposer).

« Je mentirais si je disais que je n’étais pas déçu de ne pas avoir remporté le général, lâche-t-il alors comme un symbole de son ambition. Je n’ai jamais cessé d’y croire et je peux dire que j’ai tout donné. » Quatre mois plus tard, début août au Tour de Burgos, il prend la cinquième place de la dernière étape, celle des grimpeurs, entre le Colombien Egan Bernal et l’Espagnol Mikel Landa. Pas mal, vraiment pas mal, pour un Australien sorti de nulle part ou presque. « Je me suis testé face à certains des meilleurs grimpeurs au monde, lance-t-il après cette journée. J’ai terminé cinquième de l’étape après être parti un peu trop tôt. Mais ça me va bien après les problèmes à l’estomac que j’ai eus toute la semaine. Un grand merci aux gars de Alpecin-Fenix pour avoir cru en moi. »

Cette fois, il s’attaque à la Vuelta, où le premier vainqueur de la Zwift Academy à prendre part à un Grand Tour a proposé à ses suiveurs de partager l’échauffement du chrono de la première étape via Zwift. Encore un autre morceau. Mais vu sa trajectoire, quelque chose nous dit qu’on pourrait le voir apparaître plein écran au cours des trois semaines de course. Jay Vine, qui fait un briefing avec sa femme avant chaque départ et veut « rendre l’Australie fière » de ses performances, ne compte pas laisser passer sa chance. Il l’a assez attendu à son goût.

Source

L’article Jay Vine, une Vuelta grâce à la plateforme virtuelle Zwift est apparu en premier sur zimo news.