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EnquêteUn an après l’explosion qui a dévasté Beyrouth, l’enquête patine, entravée par l’obstruction des autorités qui s’opposent à la levée de l’immunité de plusieurs suspects haut placés.
Deux coups de tonnerre à glacer le sang. Un tsunami de cendres qui dévore tout sur son passage. Et des hurlements de panique suivis d’un silence de fin du monde. C’était à Beyrouth, le 4 août 2020, un peu après 18 heures. Un stock de plusieurs centaines de tonnes de nitrate d’ammonium, déchargé six ans plus tôt d’un navire poubelle et abandonné dans un hangar du port, explosait.
La déflagration, l’une des plus grosses explosions des dernières années, a semé la dévastation dans la capitale libanaise. Les secouristes ont dénombré plus de 200 morts, 6 500 blessés et 300 000 sans-abri. Selon l’ONU, 73 000 appartements, 163 écoles et 6 hôpitaux ont été détruits ou endommagés. En quelques secondes, une chape de deuil et de désespoir est tombée sur Beyrouth, déjà laminée par une crise économique d’une violence jamais vue.
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Un peuple à bout de nerfs
Un an plus tard, le traumatisme reste entier. Les responsabilités dans le cataclysme n’ont pas été établies et ses circonstances exactes continuent de faire débat. La presse libanaise a démontré que les plus hautes autorités de l’Etat avaient été alertées de la présence dans le port du nitrate d’ammonium, un engrais azoté pouvant servir d’explosif. Mais l’enquête menée par le juge Tarek Bitar fait du surplace.
Les efforts du magistrat pour mettre en examen plusieurs anciens ministres et chefs des services de sécurité butent sur l’obstruction du Parlement et de leurs institutions de tutelle, qui refusent pour l’instant de lever leur immunité. Seule une poignée de seconds couteaux ont été inculpés, notamment des responsables du port. Cette situation révolte les familles de victimes, qui redoutent que les martyrs du 4 août soient « assassinés une seconde fois ».
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Derrière elles, c’est tout un peuple, à bout de nerfs, qui réclame la vérité et la justice. L’effondrement de la monnaie nationale et la faillite du secteur bancaire ont ruiné la population, accablée par les pénuries d’essence et les coupures d’électricité. Une grande partie des habitants du pays du Cèdre vouent aux gémonies les leaders communautaires qui se partagent le pouvoir et ses prébendes depuis trente ans et sont passés maîtres dans l’art d’échapper à leurs responsabilités.
« Le peuple est arrivé au terme de ce qu’il peut supporter en termes d’impunité », Marie-Claude Najm, ministre de la justice libanaise
D’où l’importance cruciale de l’enquête du juge Bitar. Ce moment de vérité peut sceller l’enterrement définitif de l’exception libanaise, mélange de pluralisme et de modernité, unique dans la région, mais agonisant depuis longtemps. Comme il peut semer les graines du renouveau, un processus qui prendra dans tous les cas de longues années. « Sur le dossier du 4 août, soit ça passe et les Libanais regagnent confiance dans leur justice, soit ça casse, prévient Marie-Claude Najm, la ministre de la justice. Le peuple est arrivé au terme de ce qu’il peut supporter en termes d’impunité. »
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