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JO de Sydney 2000 : l’Equato-Guinéen Eric Moussambani, le nageur qui voulait maîtriser les bassins

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Eric Moussambani, de la Guinée équatoriale, lors du 100 mètres nage libre, le 19 septembre 2000 aux Jeux olympiques de Sydney. FRANCOIS XAVIER MARIT / AFP

Il n’avait jamais vu une piscine aussi grande et n’imaginait pas qu’un bassin olympique puisse contenir autant d’eau. Dans quelques secondes, Eric Moussambani va devoir plonger dans cet océan chloré pour affronter le premier 100 mètres nage libre de son existence.

Sur son plot, cet Equato-Guinéen de 22 ans a l’air perdu. Cette épreuve des Jeux de Sydney, le 19 septembre 2000, commence mal, très mal. Les deux seuls autres adversaires alignés pour sa série – un Nigérien, Karim Bare, et un Tadjikistanais, Farkhod Oripov – viennent d’être disqualifiés pour faux départ.

Eric Moussambani a bien failli connaître le même sort, il n’est pas très familier des règles de ce sport. Et pour cause : il vient d’un pays où cette discipline existe à peine. A l’époque, la Guinée équatoriale ne compte qu’une piscine d’une vingtaine de mètres, celle de l’hôtel Ureca, situé en plein centre de Malabo, la capitale. C’est d’ailleurs autour de ce bassin que son aventure olympique a commencé, quelques mois plus tôt.

A l’époque, il entend à la radio nationale un message de la fédération équato-guinéenne de natation qui recherche des nageurs. Cette instance, nouvellement créée, vient d’être invitée par le Comité international olympique (CIO) à participer aux Jeux de Sydney. Une manière de donner de la visibilité à certaines disciplines sportives dans des pays en voie de développement.

Seul face au bassin olympique

Rendez-vous est donné à l’hôtel Ureca. Ils sont deux à se présenter : une femme et Eric Moussambani. « Les dirigeants m’ont quand même demandé de plonger dans la piscine pour vérifier que je savais nager. Et ils ont dit : C’est toi qui pars aux Jeux ! ” », a-t-il raconté.

Dans l’intervalle, le jeune homme se prépare sans coach ni partenaire. Quand il ne va pas à la mer, le futur athlète olympique a le droit de s’entraîner à la piscine de l’hôtel. Mais seulement de 5 heures à 6 heures du matin pour ne pas gêner les clients.

Il connaît seulement les bases de la natation et sa technique est à des années-lumière de celle du futur champion olympique de la distance, le Néerlandais Pieter Van den Hoogenband, de son dauphin, le Russe Alexandre Popov, ou du meilleur Africain du moment, l’Algérien Salim Iles. La respiration ? La coordination des bras et des jambes ? Il improvisera.

Le jour de l’épreuve, à Sydney, Eric Moussambani, ligne 5, est seul face au bassin olympique de 50 mètres. Le jeune homme, au visage poupin, arbore des lunettes mal sanglées et un slip de bain bleu que plus aucun champion n’oserait porter, avec sa cordelette blanche qui pendouille.

Le calvaire de la seconde longueur

Un entraîneur sud-africain lui a prêté ces accessoires de peur qu’il enfile son habituel short de plage – acheté dans une friperie – et qu’il se fasse éliminer pour tenue non réglementaire. Son départ est canon mais brouillon. D’entrée de jeu, les commentateurs télé pleurent de rire en direct, tandis que le public australien choisit de l’encourager en l’ovationnant.

La première longueur se passe bien, mais le retour est un calvaire interminable. L’Équato-guinéen se débat dans l’eau. Il ne sent plus ses jambes, ses bras, son corps. Ses muscles se durcissent : Eric Moussambani n’avance plus, il fait du sur place. Il pourrait presque se noyer, mais les spectateurs continuent de le pousser. Le nageur achève son 100 mètres nage libre en 1’52’’72, soit plus du double du record du monde.

Après cette course mémorable, Eric Moussambani plonge dans un autre élément : la médiatisation. Les journalistes internationaux veulent en savoir plus sur « Eric the swimmer » (« Eric le nageur »). Les télés du monde entier diffusent en boucle son aller-retour. Il signe même des autographes dans le village olympique. La presse australienne le surnomme « l’anguille ». Sentant le coup de communication, l’équipementier Speedo lui offre une combinaison intégrale dernière génération…

Il ne lâche pas la natation, progresse et porte son record personnel à 57 secondes. Il aurait voulu se rendre aux Jeux d’Athènes en 2004, mais une erreur administrative du comité olympique équato-guinéen – qui a égaré sa photo d’identité – lui coûte sa place. Employé d’une compagnie pétrolière, il sera nommé entraîneur de l’équipe ­nationale de natation pour les Jeux de Rio de 2016.

Eric Moussambani incarne à merveille l’une des plus célèbres citations de Pierre de Coubertin. Le 24 juillet 1908, alors que se déroulent les JO de Londres, le père des Jeux modernes et le rénovateur du mouvement olympique, déclare, pour honorer le désintérêt de l’athlète dans sa performance : « Le plus important aux Jeux olympiques n’est pas de gagner mais de participer, car l’important dans la vie, ce n’est point le triomphe mais le combat. L’essentiel, ce n’est pas d’avoir vaincu, mais de s’être bien battu. »

Sommaire de notre série « Ces Africains qui ont fait les JO »

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