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En Hongrie, le pouvoir vise les journalistes et les patrons de presse

Par Jean-Baptiste Chastand

Publié aujourd’hui à 18h00, mis à jour à 18h59

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EnquêteParmi les plus de 300 numéros de téléphone ciblés par le logiciel espion Pegasus pour le compte de la Hongrie figurent de nombreuses personnalités des médias et de la société civile.

Les révélations du « Projet Pegasus » ne vont pas rassurer ceux qui s’inquiètent des dérives du premier ministre nationaliste, Viktor Orban, en matière d’Etat de droit. Le Monde et ses seize médias partenaires peuvent de fait affirmer, grâce aux données mises à disposition par les organisations Forbidden Stories et Amnesty International et au témoignage d’un ancien employé de NSO Group, que la Hongrie a eu recours aux services particulièrement intrusifs de la société israélienne pour mettre sous surveillance des journalistes, des propriétaires de médias et des avocats, tous connus pour être des critiques du pouvoir de M. Orban.

Parmi les plus de trois cents numéros de téléphone sélectionnés comme cibles potentielles par la Hongrie, Le Monde et ses partenaires ont pu identifier au moins cinq journalistes. Il s’agit notamment d’Andras Szabo et de Szabolcs Panyi, journalistes reconnus du site d’investigation Direkt36. Ces dernières années, ce petit site a multiplié les révélations dérangeantes sur l’enrichissement des proches de Viktor Orban ou sur les relations que celui-ci entretient avec la Russie et la Chine. « J’ai toujours su que je pouvais être surveillé, mais là, c’est une surveillance avec le meilleur logiciel du monde », dénonce M. Panyi, 35 ans, qui a découvert qu’entre avril et décembre 2019 son téléphone a été infecté près d’une vingtaine de fois.

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A cette époque, M. Panyi enquêtait notamment sur le transfert du siège de la Banque internationale d’investissement de Moscou à Budapest. L’infection de son appareil, plusieurs fois concomitante à l’envoi de questions au gouvernement, et de celui de son collège Andras Szabo a été confirmée par les analyses techniques de leurs appareils par les experts du Security Lab d’Amnesty International.

Deux autres reporters hongrois, travaillant sur des sujets relatifs à la criminalité et au terrorisme, ainsi que l’ex-femme de l’un d’entre eux, ont aussi été désignés comme cibles potentielles. Parmi les autres numéros identifiés figure enfin celui d’un photographe qui travaillait comme fixeur pour un journaliste étranger enquêtant sur la même banque russe.

Deux des journalistes du site d’investigation hongrois Direkt36, Szabolcs Panyi et Andras Szabo. Direkt36

Pegasus est connu comme un logiciel particulièrement intrusif parce qu’il peut aspirer, en toute discrétion, e-mails, liste de contacts, localisation géographique, SMS, appels téléphoniques, documents, photographies… NSO assure que son usage doit être réservé à la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Mais si la liste de numéros contient ceux de proches notoires du milieu criminel hongrois, la présence d’autres personnalités pose question. Figurent ainsi les numéros du fils et de l’avocat de Lajos Simicska, un riche homme d’affaires anciennement très proche de M. Orban, brusquement devenu l’un de ses ennemis, qui a vendu tous ses médias en 2018.

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