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Edouard Philippe : « La décision des juges européens sur le temps de travail de nos soldats touche au cœur de la souveraineté et de la sécurité de la France »

Tribune. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu, jeudi 15 juillet, un arrêt portant sur le temps de travail des militaires. Cet arrêt emporte des conséquences dont chaque Français ferait bien de mesurer la portée. En substance, la Cour ouvre la porte à un encadrement des activités des forces armées en indiquant que s’applique aux militaires, dans certaines circonstances, la directive de 2003 sur le temps de travail.

La Cour écarte certes les moments relevant des situations de crise et de déploiement en opération, la formation et l’entraînement, ce qui est heureux tant l’absurdité d’une réglementation du temps de travail dans ces circonstances serait apparue évidente. Mais, malgré ces exceptions, c’est tout le modèle d’emploi des armées françaises, la culture militaire, la conception même d’une armée opérationnelle en permanence qui sont comme menacés.

Il faut sans cesse le rappeler : le modèle d’armée français, son efficacité, son agilité et son aguerrissement sont sans équivalent en Europe. Nos amis européens ont des armées. Aucune n’est employée avec une intensité, un rythme et un engagement comparables aux nôtres. Aucune ne repose sur un modèle de dissuasion nucléaire comme le nôtre. En France, l’exigence de disponibilité qui pèse sur les armées se résume en une formule limpide : « En tout temps et en tout lieu. »

Une négation de la spécificité militaire

Je suis farouchement proeuropéen. Tout dans mon engagement politique et ma filiation intellectuelle affirment mon attachement à la construction européenne. Mais cette décision de la plus haute juridiction européenne est dans son principe contraire aux intérêts nationaux les plus élémentaires. Elle touche au cœur de la souveraineté et de la sécurité de la France. Elle n’est pas acceptable.

Comment accepter que nos soldats, qui ont « la mort pour hypothèse de travail », puissent être assimilés, ne serait-ce que pour une partie de leurs activités, à des travailleurs comme les autres ? Comment accepter que l’action de l’armée la plus puissante d’Europe, qui participe au Sahel, au Levant, en Europe de l’Est et dans l’Indo-Pacifique à la sécurité du continent, soit ainsi limitée ? Comment ne pas voir que la négation de la spécificité militaire est déjà un renoncement au recours éventuel à la force pour défendre nos intérêts ? L’armée française est une chance pour l’Europe, l’affaiblir, c’est jouer avec notre sécurité collective.

Juriste de formation, je déplore que le juge européen fasse fi du principe de subsidiarité, des réserves de souveraineté et s’affranchisse d’une « lecture naturelle et raisonnable des traités », comme disait l’ancien président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud. Il n’est pas dans mes habitudes de critiquer une décision de justice. Mais enfin, on voit mal de quelle liberté garantie par les traités cette décision vient assurer l’exercice.

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