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Le Mexique sous l’emprise tentaculaire de la mafiocratie

Par Frédéric Saliba

Publié aujourd’hui à 16h16

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Enquête« Géopolitique des mafias » (1/6) – Les élections de juin ont donné lieu à une avalanche de crimes. Afin d’assurer des protections politiques à leur narcotrafic, les cartels de la drogue ont fait couler le sang pour non seulement infiltrer encore un peu plus l’Etat, mais aussi gouverner avec lui.

Alors que se jouait le plus grand scrutin de l’histoire du Mexique, l’assassinat d’Alma Rosa Barragan a marqué les esprits. Cette chef d’entreprise novice en politique, qui briguait la mairie de Moroleon dans l’Etat de Guanajuato (centre), tenait un meeting sur un parking de cette petite ville décrépie, le 25 mai, quand a surgi un commando de deux pick-up et de quatre motos. Tirs en rafale. La quinquagénaire s’est écroulée, micro à la main. La scène, immortalisée par une vidéo circulant en boucle sur les réseaux sociaux, a jeté une lumière crue sur les violences inouïes qui ont émaillé ce processus électoral pas comme les autres. Pour en influencer l’issue, les cartels de la drogue ont brandi la peur et fait couler le sang. Des méthodes qui ne sont pourtant que la partie visible de la « narcopolitique » mexicaine, dont les réseaux tentaculaires confèrent à la république fédérale des airs de « mafiocratie ».

Ce mégascrutin destiné à renouveler, le 6 juin, les 500 sièges de la Chambre des députés, 15 des 31 postes de gouverneur et à élire plus de 20 000 responsables locaux – dont 2 000 maires – aura coûté la vie à 36 candidats. Au total, 143 hommes et femmes politiques ont été assassinés depuis le début du processus électoral, le 7 septembre 2020. « Ce record historique [du nombre de postes à pourvoir] explique l’avalanche de crimes », estime Carlos Rubio, sous-directeur d’Integralia, un cabinet de conseil en affaires publiques. Attaques en plein jour, enlèvements, QG de campagne criblés de balles… Integralia a dénombré 239 agressions physiques dans 30 des 32 Etats mexicains. « Plus de mille, si on ajoute les menaces contre des candidats », précise M. Rubio.

L’itinéraire tragique de la candidate Barragan est à l’image de la fragile démocratie mexicaine. Après son assassinat, sa fille a remporté la mairie – à 48,5 % des voix – sous la bannière du petit parti de gauche Mouvement citoyen. Puis la presse a révélé que le fils de la victime était accusé de diriger la branche régionale du Cartel de Jalisco Nueva Generacion (CJNG), selon un rapport judiciaire censé rester confidentiel. « Mme Barragan était-elle une narcocandidate ou a-t-on cherché à la décrédibiliser pour justifier l’hécatombe ? », s’interroge David Saucedo, spécialiste du crime organisé. La polémique gronde dans un pays miné par la guerre sanguinaire – 34 523 homicides répertoriés en 2020 par le ministère de la sécurité publique – que se livrent les cartels pour contrôler les routes approvisionnant les Etats-Unis, premier consommateur mondial de drogue.

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