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Le succès du service civique ne se dément pas. Attention au dévoiement!

Branle-bas de combat, ce 14 juillet 2020, à l’Agence du service civique. Le président de la République venait d’annoncer l’ouverture de 100.000 nouvelles missions de service civique. Un quasi-doublement attendu (il y avait 132.000 places en 2020)! C’était l’une des nombreuses facettes du plan « Un jeune, une solution » déployé pour tenter de sauver une jeunesse « sacrifiée » par la crise sanitaire. Les missions, agréées par l’Agence auprès de ministères, d’associations ou de collectivités, sont indemnisées entre 580 et 680 euros par mois. Le financement, qui frôlera les 900 millions d’euros en 2021, est donc une aubaine pour ces centaines de milliers de jeunes en formation ou pas entre 16 et 25 ans, qui n’ont pas droit au RSA (réservé aux plus de 25 ans) et plus accès aux petits boulots (crise sanitaire). Une aubaine aussi pour les organismes agréés qui souffrent depuis 2017 de la disparition des contrats aidés. « On en a vraiment bien profité », s’exclame Eric Mestrallet, le patron du réseau d’écoles hors contrat Espérance banlieues. Alors que ses 17 écoles accueillaient jusqu’ici une vingtaine de services civiques, il en espère 70 pour la rentrée 2021.

Branle-bas de combat

Mais 100.000 missions nouvelles, ça ne tombe pas du ciel. Passer d’une croissance de 30% par an à 100%…

« c’est vertigineux », a pensé Béatrice Angrand, la présidente de l’Agence, en particulier quand le 2ème confinement s’est abattu sur la France en novembre. Dans son rapport sur le défi lancé par Emmanuel Macron, le Sénat admet fin 2020 que « la marche est particulièrement haute ; la mobilisation de tous est donc primordiale pour réussir cette étape ». L’agence a pu recruter 15 personnes supplémentaires, portant ses effectifs à 125, une rareté dans l’administration. Elle s’est aussi réorganisée, pour améliorer son efficacité. Elle a notamment lancé un marché annuel de formation des tuteurs, remporté par Unis-Cité et la Ligue de l’enseignement. Avec Sarah El Haïry, la secrétaire d’Etat à la Jeunesse, elle a enfin lancé des appels tous azimuts aux ministères.

L’Education nationale, qui est déjà le 1er utilisateur du dispositif, a aussitôt répondu, avec 10.000 missions ouvertes. La « solidarité aux personnes âgées » en a ajouté 10.000 de plus. Encore 5.000 pour les JO, 2.000 estampillées « citoyenneté européenne » et 1.000 « ambassadeurs de l’accessibilité ». Les collectivités locales, qui ne pesaient encore que 6% des missions, deviennent un axe de développement très fort (+54%). « Tout le monde trouve ça bien, mais quand il s’agit de s’organiser, de gérer, faire la paperasse… c’est plus compliqué, explique Bénédicte Thiébaut, qui préside la communauté de communes très rurales du Grand Roye, dans les Hauts-de-France. L’Agence nous a donné un financement pour un poste de coordinateur, grâce auquel nous nous sommes engagés à recruter 10 services civiques cette année! »

Attention au risque d’emploi déguisé

Tous ces efforts mis bout à bout finissent par payer. A mi-parcours, 57% de l’objectif présidentiel est atteint. C’est ce qu’a révélé l’Agence lors de sa conférence de presse du 7 juillet qui dressait un premier bilan de l’opération. « Un soulagement, dit la présidente. Mais on doit rester vigilant à ne pas dévoyer le dispositif. » « La difficulté n’est pas tant d’atteindre la quantité, mais la qualité », témoigne Christophe Paris, le directeur général de l’Association de la Fondation Etudiante dans la Ville qui vise les 2.000 volontaires à la rentrée. La Cour des comptes le soulignait en 2018: « La tentation est grande de recourir à ces jeunes dont le coût est faible, voire nul, en lieu et place d’un salarié ou d’un bénévole ». Les magistrats de la rue Cambon avaient d’ailleurs relevé des « situations contestables », comme ces « volontaires placés au contact du public dans les préfectures et recevant des étrangers, des volontaires à Pôle emploi chargés de tâches normalement réservées aux agents »! L’émission d’Elise Lucet consacré au service civique en décembre 2020 en a remis une couche. « Nous avons renforcé les contrôles », assure David Knecht, le directeur général de l’Agence. Et les organismes habitués y veillent aussi. Thomas Rogé, qui dirige ces opérations à la Ville de Paris (450 volontaires cette année), raconte comment certaines missions peuvent être interrompues: « Nous avions des jeunes chargés de faire de la médiation dans nos centres de vaccination et de la sensibilisation aux gestes barrières. Dès qu’on a commencé à recourir à des vacataires pour compléter les effectifs, on a remplacé tout le monde. »

Les volontaires, très satisfaits

De toute façon, les jeunes eux-mêmes se plaignent rarement. Au contraire, d’après le sondage Ifop dévoilé le 7 juillet par l’Agence, 91% des volontaires se disent satisfaits de leur mission. Et même quand ils se font exploiter, ils y trouvent la plupart du temps leur compte. A l’image de Jeanne, par exemple, qui a travaillé dans une préfecture à la prévention des risques, et qui occupait « un vrai poste ». Elle a même formé son successeur, embauché avec un contrat de travail en bonne et due forme. Mais elle ne regrette pas: « Ça me fait une expérience à rentabiliser dans mon CV. » Ce qui fait dire au sénateur Eric Jeansannetas, qui s’est penché sur le budget de l’opération: « Il faut appeler un chat un chat. Si ça devient un dispositif de lutte contre le chômage des jeunes, ça n’a plus rien à faire dans le budget Engagement et Vie associative! » Pour l’heure, l’enquête menée par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire en 2020 montre que six mois après leur service civique, 22% des volontaires sont en recherche d’emploi contre 10% dans l’ensemble des 16-25 ans. Pas encore très concluant comme dispositif de lutte contre le chômage des jeunes.

 

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