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« Devrons-nous attendre un demi-siècle avant que commence le travail de reconnaissance sur la Bosnie ? »

Au mémorial du génocide de Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine, en 2015. DPA / PHOTONONSTOP

Plus d’un demi-siècle a été nécessaire pour tenter de regarder en face les « événements » d’Algérie et commencer officiellement à reconnaître ce que, dans cette guerre d’indépendance, l’armée et les gouvernements français de ce temps-là acceptèrent de faire entre 1954 et 1962.

Vingt-sept ans après le génocide des Tutsi, le président de la République a demandé l’instauration d’une commission d’historiens et d’historiennes [présidée par Vincent Duclert] qui a permis d’accomplir un pas important : quels que puissent être les limites des formulations retenues ou les refus d’accès à certaines archives, elle a reconnu les fautes et les aveuglements d’une politique menée directement par le président d’alors et ses proches. L’histoire y gagnera, et, avec elle, le travail de mémoire, qui est le seul socle possible d’une réconciliation et qui, surtout, est nécessaire pour tenter d’éviter « l’éternel retour du même ».

Mais parler de cette histoire implique de parler de toute l’histoire, et donc de ce qui se passait alors en d’autres lieux, mais était accompagné par les mêmes dirigeants. Entre 1990 et 1995, la politique étrangère de la France fut un tout, car elle dépendait d’analyses élaborées par un nombre restreint de personnes ayant, sous les ordres de François Mitterrand, la responsabilité d’une politique pensée comme mondiale. Dans cette perspective, toucher à une seule pièce conduit à menacer l’équilibre de l’édifice, comme dans un château de cartes, et c’est bien pour cela que certains gardiens du temple socialiste défendent une histoire mythifiée des politiques menées par une France revendiquée comme porteuse de paix.

Fautes et aveuglements

Il n’en est pas moins souhaitable d’examiner d’autres dossiers qui, dans ces années 1990, débouchèrent sur des événements dramatiques. Or s’il en est un aujourd’hui oublié, c’est bien celui de la guerre en Bosnie (1992-1995). Et pourtant, la politique de la France, conduite par les mêmes personnes, y connut des fautes et des aveuglements peu ou prou d’importance égale à celles et ceux qui marquent le dossier du génocide des Tutsi. Certes, le tournant de 1995 – que l’on doit pour partie à l’arrivée de Jacques Chirac au pouvoir – contribua à rétablir une situation plus acceptable et à protéger les victimes. Mais cela fut bien tardif, après plus de trois années d’une guerre sanglante ponctuée de massacres de civils et d’un nettoyage ethnique systématique. Dans ce cas aussi, on laissa faire les massacreurs et on monta des opérations de maintien de la paix d’une inefficacité tragique ; dans ce cas aussi, une partie de la hiérarchie militaire fit preuve d’indulgence pour des nationalistes serbes criminels ; dans ce cas aussi, on promit beaucoup aux populations civiles et on tint bien peu.

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