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Dans les campagnes indiennes, l’impossible survie des « pauvres parmi les pauvres »

Par Ravi Pinto

Publié aujourd’hui à 19h34

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ReportageAu Bihar, la communauté des Musahars, les « mangeurs de rats », est l’une des plus touchées par les conséquences du Covid-19 et a de plus en plus de mal à se nourrir.

Au soleil couchant, une petite gamelle métallique frémit sur le feu, à même la terre. Dans ce foyer, personne n’a rien avalé depuis le petit déjeuner. Et faute de mieux, ce soir encore, Reshmi Devi et ses quatre enfants devront se contenter de si peu. « Du riz et quelques patates bouillies », indique la jeune femme de 24 ans, enceinte de six mois. Elle habite non loin du village de Sikandarpur, dans l’Etat du Bihar, le plus pauvre de l’Inde, collé au Népal.

En ce mois de juillet, l’atmosphère de la hutte familiale, faite de bric et de broc, est étouffante, à peine tenable. Les fumées du bois irritent la gorge et le nez, et Reshmi Devi se hisse à l’extérieur pendant que sa mixture continue de bouillir. Son sari fatigué laisse apparaître une frêle silhouette au ventre arrondi. Aux alentours, les rizières gorgées d’eau s’étendent à perte de vue, des cochons grassouillets profitent d’une terre boueuse et les buffles ruminent paisiblement. Mais derrière les apparences bucoliques de ces routes de campagne, dans les villages, se cache une terrible misère.

Reshmi Devi et ses enfants, près de Sikandarpur, dans le district de Patna (Bihar), le 6 juillet 2021. SOUMYA SANKAR BOSE POUR « LE MONDE »

Bien avant la pandémie de Covid-19, déjà, la survie des familles installées ici ne tenait qu’à peu de choses. La communauté des Musahars, littéralement « les mangeurs de rats », à laquelle elles appartiennent, est l’une des plus défavorisées du sous-continent. La communauté doit son nom au travail qui allait autrefois de pair avec sa caste : attraper les rats. Le système de castes pèse encore lourdement sur ces dalits, autrefois appelés « intouchables », au plus bas de l’échelle sociale.

« Une partie des aides sociales n’atteint pas les bénéficiaires »

« Les Musahars subissent des discriminations, ne possèdent pas de terre et en temps normal, ils parviennent à peine à travailler quatre à cinq mois par an dans les champs ou sur les chantiers », explique Sudha Varghese, une religieuse qui travaille aux côtés de ces populations depuis plus de vingt ans. « Ils souffrent de la faim depuis leur naissance, cela se lit sur le visage des enfants et des femmes, qui sont les plus affectés », poursuit cette militante à la voix sucrée, que tout le monde salue sur son passage.

Sudha Varghese, religieuse, à Danapur, dans le district de Batna (Bihar), le 6 juillet 2021. SOUMYA SANKAR BOSE POUR « LE MONDE »

Les Musahars sont des « pauvres parmi les pauvres », dans un Bihar miné par la malnutrition. Plus de 63 % des femmes enceintes y sont anémiées, environ 43 % des enfants de moins de 5 ans accusent un retard de croissance et 41 % une insuffisance pondérale, selon les chiffres du ministère de la santé publiés en 2020. Lorsque le confinement national a été imposé au mois de mars 2020, la famille de Reshmi Devi a sombré plus profondément dans la détresse.

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