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Haïti : « Il n’est pas trop tard pour témoigner notre intérêt et marquer un regain d’engagement »

Tribune. Entre 1804, date de l’indépendance d’Haïti, et 1957, 24 chefs d’Etat sur 36 seront renversés ou assassinés. Entre 1957 et 1986, ce même pays aura connu trente années de terreur implacable et sanguinaire avec Duvalier père, puis sur un mode mineur avec le fils. Enfin, la première expérience démocratique après cent cinquante ans d’errements et trente ans de dictature se soldera par une quasi-guerre civile : élu au suffrage universel en 1990, le père Jean-Bertrand Aristide devra quitter le pays au bout d’un an. Son retour aux affaires deux ans plus tard n’y changera rien : la spirale de la violence s’enclenche pour une décennie.

Le pays que je découvre comme ambassadeur de France en 2009 a bougé : l’ONU a rétabli la paix, les bandes armées ont été démantelées, des élections sont en cours de préparation, le président René Préval joue le jeu. Cette sortie de crise est certes bouleversée par le séisme de janvier 2010 qui endeuille tout une nation. Mais l’espoir, contre toute attente, demeure et le pays se reconstruit, et durant les années qui suivront, Haïti tentera tant bien que mal de s’inventer un autre destin : les investissements redémarrent, les touristes redécouvre la « perle de la Caraïbe ».

L’assassinat, dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 juillet, de Jovenel Moïse, président contesté, marque symboliquement le retour à la case départ : après quatre années d’une gestion erratique, qui aura vu flamber l’insécurité, sur fond de délitement des institutions du pays, sa fin tragique rappelle les heures sombres du pays. Il rejoint ainsi la trop longue liste des présidents haïtiens n’ayant pu finir leur mandat.

Le retrait de la France

La France ces dernières années a été étrangement muette. En s’alignant sur Washington, qui n’a eu de cesse de consolider la dérive autoritaire d’un régime à bout de souffle, d’idées et de légitimité, notre pays a pu donner le sentiment qu’il tournait de nouveau le dos à son ancienne colonie, laissant ainsi dériver le seul pays francophone des Amériques, sourd aux appels à l’aide des opposants, des défenseurs des droits de l’homme, des intellectuels et des écrivains, qui incessamment nous ont prévenus que la tragédie allait de nouveau s’inviter.

Avec l’ONU et quelques pays « amis », il n’est pas trop tard pour témoigner notre intérêt et marquer un regain d’engagement en accompagnant un processus de sortie de crise qu’une grande partie des Haïtiens appellent de leurs vœux. Il est temps de rompre le sortilège et de sortir ce pays de « la marmite du diable » (l’expression est de Régis Debray).

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