LETTRE DE BRUXELLES
Les hommes politiques accèdent rarement à la béatification. En France, depuis Saint Louis, aucun n’a eu droit à tel honneur. Robert Schuman, l’un des pères fondateurs de l’Europe, vient pourtant de faire un pas dans cette direction. Le 19 juin, le pape François a promulgué un décret lui reconnaissant « les vertus héroïques du serf de Dieu ».
Voilà donc l’homme d’Etat français – plusieurs fois député sous la IIIe République, ministre et président du Conseil sous la IVe – élevé au rang de « vénérable ». Même s’il est peu probable qu’il accède un jour au statut de « bienheureux » de l’Eglise catholique ou de « saint » – pour cela, il faut avoir fait des miracles –, Robert Schuman vient à sa manière d’entrer une nouvelle fois dans l’histoire.
L’Eglise salue bien sûr sa foi et son mode de vie pieux : resté célibataire toute sa vie, cet homme, qui avait hésité à devenir prêtre, allait à la messe tous les jours, y compris quand il était ministre, et vivait de manière on ne peut plus frugale.
Une incarnation du pardon
La Vatican a étudié jusque dans les moindres détails les 15 000 pages que le diocèse de Metz – où Robert Schuman s’était installé comme avocat tout jeune et où il a fini ses jours – lui a communiquées, en appui de sa demande de béatification introduite en 1990. Et n’a pas tenu rigueur à Robert Schuman des erreurs qu’il a pu commettre, comme celle de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en juillet 1940, avant d’être arrêté par la Gestapo quelques mois plus tard. « Il est aussi le premier chef de gouvernement français à avoir nommé une femme ministre [dans le gouvernement Schuman de 1947-1948, Germaine Poinso-Chapuis est ministre de la santé] », note Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques-Delors.
Au-delà de ces éléments, « le Vatican réhabilite l’engagement politique », juge cet ancien journaliste de La Croix. A sa manière, en ces temps de défiance, le pape François fait de la politique un chemin de sainteté. Sans doute l’Eglise n’a-t-elle pas été insensible au rôle du jeune député Schuman (élu sur ses terres de Moselle en 1919) dans l’entre-deux-guerres, pour sauver le concordat et sanctuariser « le droit local d’Alsace et de Moselle » . Mais, plus encore, elle aura voulu reconnaître la manière dont il a œuvré à la réconciliation entre la France et l’Allemagne, après la seconde guerre mondiale, et incarné le pardon.
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