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Quand l’armée engage des auteurs de science-fiction pour imaginer les menaces du futur

Par Raphaëlle Rérolle

Publié aujourd’hui à 13h00, mis à jour à 13h35

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EnquêteLe ministère des armées a réuni un collectif d’écrivains pour l’aider à préparer l’avenir de la défense. Regroupés au sein de la Red Team, ceux-ci planchent sur des scénarios dans lesquels l’armée pourrait se trouver en difficulté.

Grandislande, le 12 octobre 2045. Depuis plusieurs heures, la capitale de cet Etat insulaire proche de la France est submergée par une inondation géante. Sous le double effet d’une crue dramatique et d’un piratage des systèmes de rétention d’eau, la rivière Timide est sortie de son lit, plongeant la ville dans une atmosphère de fin du monde. Plus grave encore, des rumeurs d’attaque bioterroriste circulent follement, semant la panique chez les habitants. Ceux-ci cherchent alors à fuir par tous les moyens, mais sans jamais quitter les bulles de réalité alternative dans lesquelles ils sont enfermés : depuis la fin des années 2030, chacun a désormais accès à une version sur mesure du monde, qui gomme certains éléments ou en ajoute d’autres selon la communauté, les convictions, les passions ou même le lieu d’habitation. Grâce à un système de « boost perceptif », les individus baignent dans un univers factice, auquel ils peuvent greffer la présence d’un « sage », pour s’assurer que leur conduite est en phase avec leurs croyances.

Efficaces pour limiter les conflits entre communautés, puisque tout citoyen vit à l’abri de ce qui pourrait le heurter, ces « safe spheres » (littéralement, « sphères sûres ») ont fini par provoquer une fragmentation du corps social, encouragée par certaines puissances politiques. A commencer par la Grande Mongolie, issue d’une scission politique de la Chine et très portée sur la manipulation pour parvenir à dominer la planète. Tandis que la Grandislande se désagrège peu à peu, l’armée française décide d’exfiltrer ses ressortissants, ce qui n’est pas une mince affaire : 200 000 Français vivent dans ce pays très déréglementé, beaucoup d’entre eux soumis aux safe spheres et perméables à toutes sortes de « fake news », qui menacent de contaminer les militaires français eux-mêmes. Mais comment désactiver ces prisons cognitives, dans un Etat qui n’assure plus sa mission et où l’essentiel de la vie passe par ces bulles, y compris les données de santé ou administratives ?

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Réponse à partir du 8 juillet, sur le site Redteamdefense.org. Où l’on verra, bien sûr, que ce monde horrifique n’existe pas encore, même s’il est facile d’en distinguer quelques prémices dans le nôtre. Une fable, donc, mais pas sortie, comme on pourrait le croire, du cerveau d’un seul auteur de science-fiction (SF). Intitulé « Chronique d’une mort culturelle annoncée », ce scénario ne prétend d’ailleurs pas être une œuvre littéraire : il s’agit en fait d’une commande de l’armée française, mise en mots et en images par un groupe d’écrivains, scénaristes, illustrateurs et graphistes civils, dont certains bien connus dans leur domaine, comme Laurent Genefort, Xavier Mauméjean, DOA, le scénariste et coloriste Xavier Dorison ou le dessinateur et scénographe belge François Schuiten. La Red Team, c’est son nom, résulte d’une collaboration innovante entre le ministère des armées, le pôle universitaire Paris sciences & lettres (PSL) et une grosse dizaine de créateurs – le chiffre exact n’est pas communiqué –, dont certains préfèrent garder l’anonymat.

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