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Haïti : le président Jovenel Moïse assassiné, selon le premier ministre sortant

Le président d’Haïti, Jovenel Moïse, lors d’une conférence de presse à Port-au-Prince le 7 janvier 2020. CHANDAN KHANNA / AFP

L’événement menace de déstabiliser un peu plus le pays le plus pauvre des Amériques, déjà confronté à une double crise politique et sécuritaire. Le président d’Haïti, Jovenel Moïse, a été assassiné par un commando dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 juillet, a annoncé le premier ministre sortant, Claude Joseph.

« Le président a été assassiné chez lui par des étrangers qui parlaient l’anglais et l’espagnol. Ils ont attaqué la résidence du président de la République », a-t-il déclaré mercredi dans un communiqué, assurant que « la situation sécuritaire est sous contrôle ».

L’épouse du président a été blessée dans l’attaque – qui a eu lieu vers 1 heure, heure locale (7 heures, heure française) – et hospitalisée, a précisé M. Joseph, qui a appelé la population au calme et ajouté que la police et l’armée allaient assurer le maintien de l’ordre. Les rues de la capitale, Port-au-Prince, étaient calmes mercredi matin, sans présence renforcée de la police ou des forces de sécurité, selon des témoins.

Le premier ministre haïtien a déclaré mercredi l’« état de siège », octroyant des pouvoirs renforcés à l’exécutif quelques heures après l’assassinat du président, Jovenel Moïse. « Dans la stricte application de l’article 149 de la Constitution, je viens de présider un conseil des ministres extraordinaire et nous avons décidé de déclarer l’état de siège sur tout le pays », a-t-il déclaré.

L’ambassadeur haïtien aux Etats-Unis a par la suite précisé que l’épouse du président se trouvait dans un état grave et que des dispositions étaient prises pour la transporter vers Miami, en Floride, pour des soins. « Elle est dans un état stable mais grave », a reconnu Bocchit Edmond. Au cours d’une visioconférence, le diplomate a également déclaré que des images de vidéosurveillance montraient que les assaillants s’étaient fait passer pour des agents de la Drug Enforcement Administration (DEA), l’agence antidrogue américaine.

Venu du monde des affaires, Jovenel Moïse, 53 ans, avait été élu président en 2016 et avait pris ses fonctions le 7 février 2017. Lundi, il avait nommé un nouveau premier ministre, Ariel Henry, un médecin chirurgien de 71 ans. Ce dernier, qui n’a pas encore pris ses fonctions, a assuré mardi que la priorité du gouvernement resterait la préparation des élections, qui devront se dérouler dans un « environnement propice », une éventualité qui semble lointaine, vu l’instabilité actuelle dans le pays.

La République dominicaine ferme sa frontière

Quelques heures après l’annonce de l’assassinat du président, la République dominicaine a ordonné la « fermeture immédiate » de sa frontière avec Haïti, sur l’île d’Hispaniola. Dans un communiqué, le président Joe Biden a déclaré : « Nous sommes choqués et attristés d’apprendre l’horrible assassinat du président Jovenel Moïse et l’attaque contre la première dame d’Haïti, Martine Moïse. Nous condamnons cet acte odieux, et j’adresse mes vœux les plus sincères de rétablissement à la première dame Moïse ». Il ajoute que Les Etats-Unis étaient prêts à apporter leur aide. La France a dénoncé le « lâche assassinat » du président haïtien, demandant par la voix de son ministre des affaires étrangères que « toute la lumière » soit faite sur un événement dont les détails restent encore inconnus.

« Je condamne fermement ce lâche assassinat », a déclaré Jean-Yves Le Drian, faisant état de sa « stupeur » dans un communiqué. « Toute la lumière devra être faite sur ce crime qui intervient dans un climat politique et sécuritaire très dégradé » à Haïti, ajoute-t-il.

Sur Twitter, le premier ministre britannique, Boris Johnson, s’est dit « choqué et attristé par la mort du président Moïse ». « C’est un acte odieux et j’appelle au calme », a-t-il ajouté, présentant ses condoléances à la famille du président et à la population haïtienne.

Des soldats prennent position dans le quartier où le président haïtien, Jovenel Moïse, a été assassiné à son domicile, à Port-au-Prince. JOSEPH ODELYN / AP

Le président colombien, Ivan Duque, a appelé l’Organisation des Etats américains à envoyer d’urgence une mission à Haïti pour « protéger l’ordre démocratique ». « C’est un acte lâche et barbare contre l’ensemble du peuple haïtien », a-t-il déclaré.

Une mission de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU a été déployée à Haïti en 2004 après le renversement du président Jean-Bertrand Aristide. Elle s’est retirée en 2019. Le Conseil de sécurité de l’ONU tiendra jeudi une réunion d’urgence à huis clos, à la demande des Etats-Unis et du Mexique. Le Conseil de sécurité est « profondément choqué » par cet assassinat, a déclaré son président en exercice, l’ambassadeur français Nicolas de Rivière, à l’ouverture des travaux de cette instance.

Demande à ce que les élections soient maintenues

Haïti, pays des Caraïbes et nation la plus pauvre du continent américain, est gangrené par l’insécurité et notamment les enlèvements contre rançon menés par des gangs jouissant d’une quasi-impunité. Le président Jovenel Moïse, accusé d’inaction face à la crise, était confronté à une vive défiance d’une bonne partie de la population civile.

Dans ce contexte faisant redouter un basculement vers le chaos généralisé, le Conseil de sécurité de l’ONU, les Etats-Unis et l’Europe considèrent que la tenue d’élections législatives et présidentielle libres et transparentes, d’ici à la fin 2021, est prioritaire. Le département d’Etat américain a ainsi appelé, lors d’un point presse tenu mercredi, à maintenir les élections législatives et présidentielles, avec un second tour le 21 novembre.

« Les Etats-Unis continuent de considérer que les élections de cette année doivent être maintenues », a indiqué Ned Price, porte-parole de la diplomatie américaine, jugeant qu’un scrutin libre « favoriserait le transfert pacifique du pouvoir à un président nouvellement élu ».

Un pays gangrené par l’insécurité

Ariel Henry, septième premier ministre de Jovenel Moïse en quatre ans, est proche de l’opposition politique. Cependant, la plupart des partis politiques de l’opposition rejetaient sa nomination et continuaient d’exiger le départ du président.

M. Moïse lui avait fixé pour objectif de « former un gouvernement d’ouverture », de « résoudre le problème criant de l’insécurité » et d’œuvrer à « la réalisation des élections générales et du référendum ».

Ce référendum constitutionnel, d’abord prévu le 27 juin et reporté au 26 septembre, était voulu par le président mais largement contesté par l’opposition et jusque dans le camp présidentiel, car la procédure est accusée de ne pas respecter les dispositions de l’actuelle Constitution. Le texte de cette réforme constitutionnelle visant à renforcer l’exécutif est encore en cours de rédaction. Deux avant-projets déjà présentés proposaient de supprimer le Sénat et d’ouvrir la possibilité d’effectuer deux mandats présidentiels successifs.

Le Monde

Source

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