L’offensive pourrait signer un succès stratégique. Après avoir brièvement tenté en juin d’attaquer Kunduz, capitale de la province du même nom dans le nord-ouest de l’Afghanistan, les talibans ont lancé mercredi 7 juillet leur première offensive contre une capitale provinciale, Qala-e Naw, depuis le début, en mai, de leur campagne tous azimuts contre les forces afghanes, lancée à la faveur du retrait des troupes américaines du pays, désormais quasiment terminé.
Quelques heures après que l’armée américaine eut annoncé avoir achevé « à plus de 90 % » son retrait d’Afghanistan, les talibans, qui se sont emparés depuis mai d’importantes portions rurales du territoire afghan et rapprochés de plusieurs grandes villes, sont entrés mercredi matin dans Qala-e Naw. Selon des responsables locaux, les talibans sont aux portes de la capitale de la province de Badghis, semant la panique parmi la population et permettant à des détenus de s’échapper de prison.
L’Afghanistan est dans une « situation militaire très délicate » et la « guerre fait rage » avec les talibans, a estimé mercredi le ministre afghan de la défense, Bismillah Mohammadi, après cette première offensive majeure des insurgés contre une capitale provinciale. « Je veux tous vous rassurer, nos forces nationales (…) useront de toute leur puissance et leurs ressources pour défendre notre patrie et notre peuple », a-t-il ajouté dans un communiqué.
« L’ennemi est entré dans la ville, tous les districts [alentour] sont tombés, les combats ont commencé en ville », a déclaré le gouverneur de Badghis, Hessamuddin Shams, dans un SMS à des journalistes. Le chef du conseil provincial de Badghis, Abdul Aziz Bek, avait confirmé plus tôt à l’Agence France-Presse l’entrée des talibans et les combats dans la ville. « La nuit dernière, des responsables des services de sécurité de la province se sont rendus aux talibans et ces derniers étaient en ville ce [mercredi] matin », a annoncé Abdul Aziz Bek. « Les combats continuent en ce moment même dans diverses parties de la ville », a-t-il ajouté, tout en précisant que « la prison de la ville a été ouverte et environ deux cents prisonniers se sont enfuis ».
Membre du conseil provincial, Zia Gul Habibi a précisé que les insurgés s’étaient emparés du siège de la police et du QG local de la Direction nationale de la sécurité (NDS), les services afghans de renseignement. « Les responsables de la province se sont réfugiés dans un camp militaire en ville », où « les combats continuent », a-t-elle poursuivi.
Le gouverneur Shams a assuré plus tard dans un message vidéo publié sur Facebook, dans lequel il apparaît un fusil d’assaut sur l’épaule et des chargeurs sur la poitrine, que « toutes les forces de sécurité (…) défendent la ville » et que « l’ennemi a subi des pertes et est défait », alors que résonnent des rafales de tirs nourris. Il a aussi affirmé dans un message audio que les talibans « se retiraient » après avoir « subi des pertes ».
« Effet psychologique »
Des délégations du gouvernement afghan et des talibans se sont rencontrées mercredi à Téhéran, a annoncé le ministère iranien des affaires étrangères, après des mois de négociations au point mort entre les deux parties au Qatar. « Aujourd’hui, le peuple et les dirigeants d’Afghanistan doivent prendre des décisions difficiles pour l’avenir de leur pays », a souligné le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, à l’ouverture des discussions, en saluant le départ américain du territoire de son voisin de l’Est.
Porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid a confirmé qu’une « délégation de haut niveau » s’était rendue en Iran « à l’invitation officielle » de Téhéran pour y rencontrer des « personnalités afghanes » et discuter de « la situation actuelle du pays et trouver des solutions via des pourparlers ».
Entamé en mai, le retrait des troupes américaines a été mené tambour battant, malgré l’avancée inexorable des talibans et le recul des forces afghanes, désormais privées du crucial appui aérien américain. Le retrait définitif de l’armée américaine adviendra d’ici à la fin d’août, selon la Maison Blanche. Il mettra un point final à vingt ans d’intervention américaine dans le pays, la plus longue guerre menée par les États-Unis dans leur histoire.
L’entrée des talibans dans Qala-e Naw va certainement porter un nouveau coup au moral, déjà considérablement affaibli, des forces afghanes, selon les analystes. La prise de Qala-e Naw par les talibans serait « un succès stratégique, car cela aura un effet psychologique sur les forces afghanes, qui perdent du terrain rapidement, comme des dominos face à une force inarrêtable », explique Nishank Motwani, chercheur spécialisé sur l’Afghanistan. « Cette avance éclair [des talibans] laisse craindre que les jours du gouvernement afghan ne soient comptés », estime-t-il, alors que les autorités de Kaboul ont promis de concentrer leurs efforts sur la sécurité des grandes agglomérations, des principales routes et des villes frontalières.
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