France World

En Iran, les petits arrangements réformateurs avec le président élu

Le président iranien Ebrahim Raïssi, nouvellement élu, lors d’une conférence de presse à Téhéran, le 21 juin 2021. WANA NEWS AGENCY / VIA REUTERS

La nouvelle a fait l’effet d’une douche froide. Trois jours avant l’élection présidentielle du 18 juin, les directeurs des plus grands journaux réformateurs iraniens (Shargh, Aftab-e Yazd, Ebtekar, entre autres) ont été photographiés après leur rencontre avec le futur vainqueur, l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi, un homme du camp adverse. Une rencontre d’autant plus étonnante que les grandes figures réformatrices qui auraient pu faire barrage à M. Raïssi ont toutes été écartées de la course par le Conseil des gardiens de la Constitution, un organe non élu chargé d’examiner les candidatures.

Pendant cette entrevue, le chef du pouvoir judiciaire (2019-2021), ayant joué un rôle important dans presque tous les dossiers majeurs de violations des droits humains, a fait l’objet d’éloges de la part des directeurs des titres réformateurs. Ses années au sein du pouvoir judiciaire, où il a fait toute sa carrière depuis la révolution de 1979, ont été qualifiées d’« empreintes de réformisme et de tolérance » ; sa personnalité dépeinte comme « protectrice de la presse », malgré la longue liste d’arrestations et de condamnations à de très longues peines de prison de journalistes, d’écrivains et de militants de la société civile sous son règne.

« Retournement de veste »

« Cette photo restera dans les annales de l’histoire de la presse iranienne, surtout de par sa signification symbolique », analyse le journaliste iranien Pejman Moussavi, à Téhéran. Après avoir appris la tenue de la rencontre, il a préféré se retirer du projet de supplément du week-end de Shargh. « Par respect pour nos lecteurs et par principe », explique-t-il.

« Pour moi, cela a été un tournant. Beaucoup normalisent ce genre de retournement de veste. Or, que les titres de presse qui ont obtenu une certaine légitimité grâce à leur proximité avec un camp aillent voir, tous ensemble, un homme du camp opposé et candidat dans une élection non démocratique, et qu’ils tiennent des propos à ce point flatteurs à son égard, a été très choquant. Pour moi, mais aussi pour beaucoup d’autres. Cela a été d’autant plus insupportable que ces mêmes titres ont été très critiques envers Ebrahim Raïssi, il y a quatre ans, quand il s’est porté candidat à la présidentielle [il a alors perdu face à Hassan Rohani, soutenu par les réformateurs] », confie le journaliste.

En 2013, après la disqualification de l’ancien président Akbar Hachémi Rafsandjani, le candidat favori des réformateurs, ces derniers, dont l’ancien président Mohammad Khatami, avaient réussi à mobiliser les masses pour faire élire Hassan Rohani, un homme alors loin de représenter les idéaux de ce camp. Mais les mêmes efforts n’ont pas suffi le 18 juin dernier. Ce scrutin a été marqué par une abstention record (51,8 %) et par un nombre sans précédent de votes nuls et blancs (4 millions, soit 13 % des voix).

Il vous reste 58.49% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source

L’article En Iran, les petits arrangements réformateurs avec le président élu est apparu en premier sur zimo news.