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John McAfee : mort d’un informaticien, aventurier, criminel et star d’Internet

John McAfee est mort mercredi 23 juin dans la prison de Barcelone. Il risquait de se voir extrader vers les Etats-Unis. ALAN DIAZ / AP

Sa mort a fait la « une » de la presse internationale : John McAfee a été retrouvé sans vie dans sa cellule de la prison de Barcelone, mercredi 23 juin, où il était incarcéré dans l’attente d’une probable extradition vers les Etats-Unis. Les premiers éléments de l’enquête indiquent que l’ancien homme d’affaire se serait suicidé.

Fondateur de l’éditeur d’antivirus homonyme, John McAfee avait quitté l’informatique depuis près de trois décennies et était désormais davantage connu pour ses graves démêlés avec la justice et sa personnalité extravagante, dont raffolaient les médias. Après la vente de son entreprise, en 1994, cet « amateur autoproclamé des femmes, de l’aventure et du mystère, avait débuté une série d’aventures qui l’ont conduit, selon son propre décompte, à être arrêté vingt et une fois dans onze pays différents », rappelle le Washington Post.

Trafic de drogue, évasion fiscale, port d’armes prohibées, harcèlement… et surtout une enquête pour meurtre : en 2012, la police du Belize a voulu l’interroger dans le cadre de l’assassinat d’un des voisins de sa propriété de l’île, retrouvé mort d’une balle dans la tête, et avec lequel il avait un différend. Selon Gringo : The Dangerous Life of John McAfee, documentaire paru en 2016, il aurait payé un tueur à gages pour cette opération. S’il a toujours nié avoir une quelconque responsabilité dans cet événement, un tribunal civil l’a jugé responsable en 2018. Toujours selon ce documentaire, il aurait organisé la torture et le tabassage d’un homme soupçonné d’avoir cambriolé son domicile. Cet homme, David Middleton, n’a pas survécu à ses blessures.

John McAfee prend alors la fuite. Après une rocambolesque cavale, la police l’arrête au Guatemala grâce aux métadonnées d’une photographie publiée en ligne par un journaliste de Vice qui l’accompagnait. Il sera finalement renvoyé vers Miami.

Il sera à nouveau arrêté aux Etats-Unis, dans le Tennessee, pour conduite en état d’ivresse et port d’armes prohibées en 2015. Après une longue procédure, il sera condamné à payer 25 millions de dollars (20,9 millions d’euros) de dommages et intérêts à la famille de son ex-voisin, mais la procédure pénale n’a jamais abouti.

En cavale depuis des années

Malgré les poursuites judiciaires à son encontre, John McAfee se rêvait en homme politique. Il a ainsi été candidat à l’élection présidentielle américaine en 2016, puis en 2020. Il souhaitait adopter les couleurs du parti libertarien mais n’en a jamais obtenu l’investiture officielle. Recherché aux Etats-Unis pour fraude fiscale, il a notamment lancé sa campagne pour la présidentielle de 2020 depuis le port de La Havane, à Cuba, en déclarant : « Je suis recherché comme criminel par le gouvernement pour lequel je candidate au poste de président ».

Cette campagne, qu’il n’a pas menée à son terme, était notamment pour lui un moyen de promouvoir les cryptomonnaies. Car entre-temps, John McAfee – qui reconnaissait ne pas vraiment savoir programmer – s’était en effet reconverti en gourou des cryptomonnaies. Il en avait même créé une, appelée « Epstein ne s’est pas suicidé », reprenant une théorie complotiste sur la mort, par suicide, du milliardaire américain. Cette nouvelle passion lui a valu de nouveaux problèmes judiciaires aux Etats-Unis, où il a été inculpé, ainsi que son garde du corps, de fraude et de blanchiment d’argent en lien avec des opérations en cryptomonnaies. Le gendarme de la bourse américaine lui reprochait aussi d’avoir promu des cryptomonnaies contre rémunération.

Le fisc américain le soupçonnait enfin de ne pas avoir déclaré d’importants revenus – il se vantait dans la presse de ne pas avoir fait de déclaration depuis plusieurs années. Arrêté en 2020 par la police espagnole, il attendait en prison une éventuelle extradition vers les Etats-Unis, à laquelle un juge avait donné, quelques heures avant son suicide, un premier avis favorable.

La situation financière réelle de John McAfee reste cependant mystérieuse. En 2008, le New York Times expliquait déjà qu’il avait perdu la majeure partie de sa fortune. Il y a une semaine, il écrivait sur Twitter avoir tout perdu. « Les Etats-Unis pensent que j’ai des cryptomonnaies cachées. J’aimerais bien mais tout a fondu (…) et mes possessions restantes ont été saisies. Tous mes amis ont disparu de peur d’être associés à moi. Je n’ai rien, mais je ne regrette rien. »

The US believes I have hidden crypto. I wish I did but it has dissolved through the many hands of Team McAfee (your… https://t.co/xfjhWwLOC5

— officialmcafee (@John McAfee)

Provocations à répétition

Disait-il la vérité ? Impossible à savoir, tant John McAfee a passé l’essentiel de sa vie à raconter des histoires invraisemblables qui ont alimenté sa légende. Lors d’un entretien avec des internautes en 2013, il avait affirmé avoir vécu « à 99 % » du trafic de drogue lorsqu’il était développeur informatique, entre 1971 et 1982. « Mon testicule droit a été écrasé au marteau en 1974 quand j’ai eu des ennuis avec un baron de la drogue local, dans l’Etat d’Oaxaca [Mexique]. Il a la taille d’un raisin maintenant, et la forme d’un petit frisbee. J’ai fréquenté les prisons mexicaines à trois occasions différentes, et franchement je ne les recommande pas », avait-il écrit, à l’époque, sans que la véracité de ces anecdotes soit totalement établie.

Il a également raconté comment il avait été victime de tentatives d’enlèvement (et comment a une occasion sa femme en avait été complice) ou encore comment il avait eu des relations sexuelles avec une baleine (il expliquera plus tard qu’il s’agissait d’un mensonge destiné à prouver à quel point les gens sont crédules) .

Depuis des années, il utilisait son compte Twitter, suivi par plus d’un million de personnes, pour multiplier les provocations et déclarations fantasques. Il avait averti que s’il devait être retrouvé mort, « il ne s’agirait pas d’un suicide mais d’un assassinat », ou encore que, en pareil cas de figure, les plus de « 31 térabits de données » qu’il prétendait avoir collectés prouveraient « la corruption des gouvernements », et seraient envoyés à la presse.

Même mort, John McAfee a continué ses provocations, vraisemblablement en ayant programmé à l’avance des publications, ou avec l’aide d’un tiers ayant accès à ses comptes sur les réseaux sociaux. Quelques heures après sa mort, une image de la lettre « Q » a en effet été publiée sur son compte Instagram : cette référence à la théorie conspirationniste QAnon a immédiatement créé un débat enflammé chez ses partisans. John McAfee avait publiquement plaisanté à plusieurs reprises sur le fait qu’il était ou connaissait l’identité de « Q », le mystérieux informateur au cœur de cette théorie du complot.

It’s worth noting that John McAfee has made trolly references to Q in tweets as early as 2018.… https://t.co/HLaJUdBCK0

— travis_view (@Travis View)

Le Monde

Source

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