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L’Allemagne ouvre un chapitre mal connu de son histoire

LETTRE DE BERLIN

Le « Centre de documentation – Fuite, expulsion, réconciliation » le 18 juin à Berlin. JOHN MACDOUGALL / AFP

Plus de soixante-dix ans. C’est le temps qu’il aura fallu attendre pour que l’histoire des quelque douze millions d’Allemands chassés de l’est de l’Europe entre 1944 et 1948 ait son musée au cœur de Berlin.

Baptisé « Centre de documentation – Fuite, expulsion, réconciliation », cet espace de 6 000 mètres carrés proche de la Potsdamer Platz, qui a accueilli ses premiers visiteurs mercredi 23 juin, ne raconte pas seulement un chapitre mal connu de l’histoire du XXe siècle. Les controverses qui ont accompagné sa genèse chaotique témoignent également de la place ambivalente qu’occupent ces millions d’expulsés dans la mémoire de la seconde guerre mondiale.

Présidente contestée

L’idée de créer un tel musée remonte à 1999. On la doit à Erika Steinbach, alors députée chrétienne-démocrate (CDU) et présidente de la Fédération des expulsés (BdV), créée en 1958 pour défendre la mémoire et les intérêts des Allemands ayant dû quitter leurs foyers situés dans les territoires orientaux du Reich, en Tchécoslovaquie, en Hongrie et dans les Balkans à la fin de la guerre.

Dès le début, le projet fait polémique. Connue pour s’être opposée, après la réunification de 1990, à la reconnaissance de la ligne Oder-Neisse comme frontière définitive entre l’Allemagne et la Pologne, l’élue conservatrice est accusée de vouloir faire passer au second plan la responsabilité de l’Allemagne dans les crimes de la seconde guerre mondiale en mettant en avant les souffrances de ses ressortissants expulsés d’Europe centrale et orientale lors de la défaite du IIIe Reich.

Malgré la présence à ses côtés de Peter Klotz, ancien secrétaire général du Parti social-démocrate (SPD) et lui-même originaire des Sudètes, région de Tchécoslovaquie annexée par l’Allemagne nazie en 1938, Erika Steinbach n’obtient pas le soutien du chancelier Gerhard Schröder (SPD), qui ne veut pas d’un tel lieu de mémoire à Berlin.

La suite de sa carrière convaincra ses détracteurs de l’époque qu’ils eurent raison de se méfier : après s’être vigoureusement opposée à la politique d’accueil d’Angela Merkel lors de la crise des réfugiés de 2015, la députée finira par quitter la CDU et le Bundestag en 2017. Depuis, elle préside la Fondation Desiderius-Erasmus, proche du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD).

L’élection d’Angela Merkel, fin 2005, change la donne. Quelques mois après l’inauguration du Mémorial aux juifs assassinés d’Europe entre la porte de Brandebourg et la Potsdamer Platz, la nouvelle chancelière se dit favorable à ce qu’un « signe visible » soit trouvé à Berlin pour rappeler le destin des populations déplacées à la fin de la guerre. Elle fait toutefois en sorte que cette tâche n’incombe pas exclusivement à la Fédération des expulsés et à sa présidente contestée.

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