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Jour de vote en Ethiopie : « Nous sommes là, pour choisir un gouvernement fort capable de rétablir la paix »

Des électeurs éthiopiens font la queue devant un bureau de vote à Addis Abeba, le 21 juin 2021. MARCO LONGARI / AFP

Les détracteurs du premier ministre éthiopien Abiy Ahmed avaient prédit une abstention record pour ces élections législatives dont la date a été repoussée par deux fois avant d’être fixées ce lundi 21 juin. Mais un jour férié a été décrété par la commission électorale pour permettre aux électeurs de se rendre aux urnes. Et dans la capitale, Addis-Abeba, les files d’attente se sont étirées dès l’aube devant les bureaux de vote.

« Les citoyens ont enfin compris qu’ils pouvaient voter librement », assure Mesfin, un chauffeur de taxi, qui attend patiemment son tour. Ce sympathisant d’Abiy Ahmed reprend l’expression du premier ministre se félicitant d’une « première tentative nationale de tenir des élections libres et justes ». Une façon pour le chef du gouvernement, candidat pour la première fois, de se démarquer de la coalition qui régnait sur l’Ethiopie jusqu’en 2018, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF). Au pouvoir pendant un quart de siècle, celle-ci était dominée par le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), que l’armée fédérale éthiopienne combat aujourd’hui.

Les deux dernières élections, en 2010 et 2015, avaient été marquées par les irrégularités et les intimidations. La coalition de l’EPRDF avait raflé 100 % des sièges au Parlement. « Par le passé, les résultats ne reflétaient absolument pas les idées de la population », insiste Meseret Bekala, à quelques minutes d’aller déposer son bulletin dans l’urne. C’est la troisième élection à laquelle prend part ce résident de la capitale. « Mais aujourd’hui on s’attend à beaucoup mieux. Notre pays est sur la bonne voie et nous avons la chance d’avoir un bon leader », se réjouit-il.

A Addis-Abeba, de nombreux électeurs sont novices

A Addis-Abeba, de nombreux électeurs sont novices. Elias est officier de police fédérale. « Désabusé » par le régime précédent, il n’a jamais voté malgré sa trentaine d’années. Un peu perdu, il se laisse guider par un agent électoral. « Il m’a expliqué qu’il fallait voter deux fois, une fois pour le scrutin national et une deuxième pour l’administration régionale. » Comme lui, ils sont plusieurs à demander une mise à niveau expresse à l’entrée du bureau.

Mais l’excitation et le niveau de participation dans la capitale ne disent qu’une partie de l’histoire dans une Ethiopie traversée par des crises multiples. Malgré les files interminables du centre-ville d’Addis-Abeba, le nombre d’électeurs, à l’échelle nationale, est quasiment identique à celui de 2015. Plus de 37 millions de votants se sont inscrits sur les listes électorales, au lieu des 50 millions espérés par la commission électorale.

Si le parti de la Prospérité d’Abiy Ahmed semble avoir soulevé un espoir lors de sa création en 2019, l’Abiymania est retombée en 2020, sur fond de troubles intercommunautaires et de guerre au Tigré. Dans cette région du nord, où s’affrontent depuis novembre 2020 le gouvernement et les rebelles du FLPT, de nombreux récits d’exactions sur les civils ont terni la réputation internationale du premier ministre. « Il y a des défis, notamment sécuritaires, reconnaît Mesfin. C’est justement pour ça que nous sommes là, pour choisir un gouvernement fort capable de rétablir la paix dans nos régions ! »

Sur 547 circonscriptions, 107 sont privées de vote, soit environ 20 % du territoire

La province du Tigré, avec six millions d’habitants, est d’ores et déjà exclue du processus électoral. D’autres circonscriptions ont fait les frais de la montée des violences communautaires dans le pays. Sur 547 circonscriptions, 107 sont privées de vote, soit environ 20 % du territoire. Si la situation sécuritaire le permet, elles organiseront leur scrutin le 6 septembre. En attendant, les résultats préliminaires seront annoncés à la mi-juillet.

« En tant que citoyen, je veux évidemment que notre pays soit en paix et que l’on puisse se déplacer librement partout, témoigne Getinet Mulatu, un homme d’affaires de la capitale. Je suis très inquiet pour l’avenir de ces périphéries », ajoute-t-il, précisant qu’au-delà du Tigré, des districts des régions Oromia et Benishangul-Gumuz sont elles aussi en proie à des troubles.

« Les autorités nous disent que tout va s’arranger après l’élection », glisse un diplomate occidental, sceptique quant à une résolution de ces conflits à court terme. En Oromia, la plus grande province du pays, les deux principaux partis d’opposition oromo ont boycotté le processus pour protester contre l’emprisonnement de leurs leaders, et une guérilla menée par les rebelles de l’Armée de libération oromo prend de l’ampleur dans l’ouest éthiopien.

« Un environnement sécuritaire inquiétant

Getachew, ancien réfugié politique oromo du temps de la coalition EPRDF, est de retour à Addis-Abeba pour voter mais affirme ne pas croire dans le leadership d’Abiy Ahmed. « Il était proche du FLPT à une époque, rappelle-t-il. Ensuite, il a juste changé d’étiquette et a créé le parti de la Prospérité. »

« Les vieilles méthodes restent d’actualité aujourd’hui car le personnel de son parti est à peu près le même qu’avant », rapportait en mai un membre du Sidama unity party, un parti régional. Ce dernier a fini par retirer sa candidature lundi, en pleine journée de vote, disant avoir observé des irrégularités dans la région Sidama. « Ils ont rempli eux-mêmes les bulletins, ont tabassé nos membres et les empêchent de s’approcher des bureaux de vote », dénonce-t-il. Trois autres partis dont Ezema, la principale formation d’opposition, se plaignent du manque d’accès aux bureaux de vote pour leurs militants, notamment en province Amhara et dans la grande région du Sud.

Evoquant « un environnement sécuritaire inquiétant », le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres avait prévenu samedi que « les autorités et les leaders politiques éthiopiens devaient s’assurer que les électeurs puissent voter librement et en paix ».

Alors que l’Union européenne a retiré en mai sa mission d’observation, l’Union africaine a envoyé une délégation pour surveiller le vote. A la tête de cette mission, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo notait dans la journée que ce scrutin « a été bien meilleur que les élections passées en termes d’ouverture de l’espace pour la participation électorale, malgré quelques handicaps ».

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