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« Pour éradiquer la famine dans le sud de Madagascar, il faut d’abord s’attaquer à la sécheresse »

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Un pèse-bébé est accroché à une branche d’arbre lors d’une séance de dépistage de la malnutrition dans la commune d’Ifotaka, dans le sud de Madagascar, en décembre 2018. RIJASOLO / AFP

Un peu plus d’un million personnes se trouvent actuellement en situation d’insécurité alimentaire aiguë dans le sud de Madagascar. Une crise liée à la pire sécheresse qu’a connu la région depuis une quarantaine d’années. Quelque 14 000 personnes ont même été classées officiellement en situation de famine par l’ONU.

Pour Mahatante Paubert, enseignant chercheur à l’université de Tuléar, sur la côte sud-ouest de la Grande Ile, la cause est le manque d’eau. « Il faut, estime-t-il, multiplier les forages de puits et les unités de dessalement le long du littoral, comme ce qui est fait en Israël ou au Qatar. »

Comment expliquez-vous la gravité de la crise cette année ?

Mahatante Paubert Plusieurs facteurs entrent en jeu. Il y a d’abord une dimension démographique. Dans les régions agricoles du sud, les familles sont nombreuses. D’après l’Institut national de la statistique malgache, les ménages comptent en moyenne à peu près six membres, contre sept en Androy.

La détérioration de l’environnement joue également un rôle important. A cause de la déforestation, il y a moins d’évapotranspiration, peu de formations de nuages et donc moins de précipitations. L’aridité ne fait qu’empirer d’année en année et le phénomène est aggravé par l’alizé du sud qui assèche tout sur son passage. Comme il n’y a plus de forêt pour protéger les cultures, le vent érode les champs et amène de la poussière. Cela limite les activités humaines et la photosynthèse des plantes.

Enfin, le sud est en proie à une insécurité croissante, qui se manifeste notamment par des vols de zébus. Le banditisme oblige également les populations à se déplacer et, sans animaux pour labourer, la productivité agricole chute.

Depuis quand le sud de Madagascar est-il touché par ce phénomène ?

Ici, on parle de kéré, un mot du dialecte antandroy [l’ethnie principale qui peuple cette région] qui signifie « être affamé ». Historiquement, le premier épisode enregistré remonte à 1895 et il a été documenté par les colons français arrivés dans le sud de l’île. Depuis, on a dénombré seize épisodes similaires.

C’est donc un phénomène cyclique, mais qui ne se produit pas tous les ans. Il y a des périodes où les récoltes de maïs, haricots et manioc sont bonnes et toute la zone n’est pas forcément affectée par la famine. Le kéré advient quand les trois régions du sud [Androy, Ihorombe et Anosy] souffrent en même temps du manque d’eau et de nourriture. C’est ce qui se passe aujourd’hui.

Le changement climatique rend-il inévitable la répétition du kéré dans les années à venir ?

Le changement climatique n’est pas le principal responsable de la famine dans le sud. Cette partie de Madagascar se dessèche depuis 3 000 à 4 000 ans. Certains auteurs parlent même de désertification puisque la tendance des précipitations est négative.

Certes, la sécheresse est amplifiée par les effets du changement climatique et des pratiques comme la culture sur brûlis, la déforestation… Mais il y a aussi une responsabilité du système politique : le manque de décentralisation pèse sur la capacité des régions à faire face à ces problèmes.

L’aide humanitaire ne peut être que ponctuelle. Il faut absolument que le gouvernement dédie une plus grosse part de son budget aux projets de développement. Collecter des fonds pour distribuer de la nourriture n’est pas une solution : on ne rend pas les populations plus autonomes et plus résilientes.

Observe-t-on des déplacements de population vers le centre ou le nord de l’île ?

Pas vraiment. Les Antandroy ont un lien extrêmement fort avec la terre ancestrale. Pour eux, il est inconcevable d’abandonner les sépultures : c’est pour cela que l’on peut voir des tombeaux magnifiques à côté de maisons en tôle et en paille. Partir, ce serait risquer la malédiction, le bannissement. La migration est vraiment un ultime recours.

Comment lutter durablement contre ces famines ?

D’abord, en anticipant. En 2019, nous avons tiré la sonnette d’alarme : il n’y avait pas assez de pluie pour soutenir la productivité agricole et satisfaire la demande locale. On avait remarqué que les gens commençaient à migrer. Les gens étaient affamés et se volaient entre eux. Nous avons alerté sur la montée de l’insécurité communautaire. Mais, pour répondre à ces crises, il faut s’attaquer à la sécheresse. Si on traite la déficience en eau, on éradique la famine. Il faut multiplier les forages de puits et les unités de dessalement le long du littoral, comme ce qui est fait en Israël ou au Qatar.

Pensez-vous que la situation va s’améliorer dans les années à venir ?

C’est possible. Le gouvernement actuel commence à changer d’approche. Des engins de construction de routes ont par exemple été mis à disposition des populations. Cela va améliorer l’accessibilité de ces zones dont l’isolement est un vrai problème. Les autorités ont également fait appel à des partenaires privés pour résoudre le problème d’eau avec des stations de dessalement. Les semences améliorées sont de plus en plus utilisées.

Ces initiatives vont dans le bon sens, mais il faut aussi allouer plus d’argent sur le long terme, et plus seulement dans le soutien d’urgence. L’Etat est le premier responsable de la population malgache.

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