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Hongkong : la justice refuse la libération sous caution pour deux responsables d’un journal prodémocratie

Les locaux de l’« Apple Daily » à Hongkong, le 18 mai 2021. DANIEL SUEN / AFP

Au lendemain de leur inculpation dans le cadre d’une loi sur la sécurité nationale, deux responsables du quotidien prodémocratie Apple Daily, très critique à l’égard de Pékin, ont comparu samedi 19 juin devant un tribunal de Hongkong, qui a refusé leur libération sous caution. Ryan Law, rédacteur en chef, et Cheung Kim-hung, directeur général, sont poursuivis pour « collusion avec un pays étranger ou avec des éléments externes en vue de mettre en danger la sécurité nationale » en raison d’une série d’articles.

Le juge Victor So a estimé qu’il n’y avait pas de motifs suffisants « pour que le tribunal pense que les accusés ne continueront pas à commettre des actes mettant en danger la sécurité nationale ». Plus de 500 policiers ont effectué une descente jeudi dans les locaux du très populaire tabloïd d’opposition et ont emporté des ordinateurs, des disques durs et des carnets de notes de journalistes. Cinq responsables ont été arrêtés. Deux ont été inculpés, tandis que les trois autres ont été libérés sous caution dans l’attente d’investigations supplémentaires.

Plusieurs dizaines de personnes, dont d’anciens et d’actuels employés du journal, ont fait la queue au tribunal samedi matin pour tenter d’assister à l’audience et apporter leur soutien aux deux responsables. Selon une employée qui s’est simplement identifiée par son nom de famille, Chang, de nombreux employés d’Apple Daily, dont elle-même, considèrent « chaque jour comme si c’était notre dernier » de travail au journal. « Au début, les autorités ont assuré que la loi sur la sécurité nationale ne viserait qu’un petit nombre de personnes », a-t-elle déclaré. « Mais ce qu’il s’est passé nous montre que c’était n’importe quoi. »

Coup de semonce

C’est la première fois que des opinions politiques publiées par un organe de presse de Hongkong entraînent des poursuites en vertu de cette loi controversée imposée par la Chine en 2020 pour tenter d’étouffer l’opposition toute dissidence dans l’ancienne colonie britannique. Le journal et son propriétaire, Jimmy Lai, actuellement emprisonné, aiguillonnent Pékin depuis longtemps, en soutenant de manière indéfectible le mouvement prodémocratie et en critiquant vertement les dirigeants chinois.

Une journaliste qui n’a donné que son prénom, Theresa, a estimé que les problèmes judiciaires du journal représentent un coup de semonce : « Je pense que ce qui arrive à l’Apple Daily aujourd’hui peut finalement arriver à tout autre média de la ville. »

De nombreux médias internationaux ont installé leur quartier général pour l’Asie à Hongkong, attirés par une réglementation favorable aux entreprises et par des dispositions sur la liberté d’expression inscrites dans la Constitution. Mais beaucoup s’interrogent désormais sur le maintien de cette présence et élaborent des plans d’urgence, tandis que Pékin resserre sa main mise sur l’ancienne colonie britannique par une vaste répression de la dissidence.

« Syndicat criminel »

Les autorités de Hongkong et de Pékin ont assuré que les arrestations ne constituaient pas une attaque contre les médias. Mais le ministre de la sécurité hongkongais, John Lee, a qualifié cette semaine Apple Daily de « syndicat criminel ». La survie du journal est incertaine. Jimmy Lai, son richissime propriétaire âgé de 73 ans, a été condamné à plusieurs peines de prison pour son implication dans des manifestations prodémocratie en 2019.

Il a également été inculpé en vertu de la loi sur la sécurité nationale et ses actifs à Hongkong ont été gelés. Les autorités ont fait de même jeudi avec 2,3 millions de dollars d’actifs d’Apple Daily. Selon la police, des poursuites – toujours dans le cadre de cette législation sont également prévues à l’encontre de trois sociétés détenues par le journal, qui pourrait être mis à l’amende ou interdit.

Les médias locaux vivent des heures encore plus sombres. Des associations de journalistes affirment que les reporters doivent de plus en plus s’autocensurer. Hongkong glisse progressivement vers le bas du classement annuel de l’ONG Reporters sans frontières sur la liberté de la presse, passant de la 18e place en 2002 à la 80e cette année. La Chine continentale est 177e, sur 180 pays classés.

Le Monde avec AFP

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