France World

Ignazio Cassis : « La Suisse refuse de concéder des abandons de souveraineté sur la libre circulation »

Le ministre suisse des affaires étrangères, Ignazio Cassis, à Lugano, le 16 avril 2021. FABRICE COFFRINI / AFP

Berne a décidé, mercredi 26 mai, de rompre les négociations avec l’Union européenne sur un vaste accord institutionnel. Le ministre suisse des affaires étrangères, Ignazio Cassis, explique les motivations de la décision helvétique.

Quitter la table est peu habituel pour la Suisse, historiquement adepte du compromis. Qu’est-ce qui était plus inacceptable qu’auparavant, au point de mettre un terme aux négociations ?

Les désaccords sont peu nombreux, mais majeurs. Un exemple : quand la Suisse a signé [en 1999] les accords bilatéraux avec l’Union européenne, la notion de libre circulation était un concept économique, relevant du droit du travail. Elle codifiait les droits et les devoirs des travailleurs et de leurs familles. Dès 2005, l’UE a évolué et la libre circulation a embrassé des notions portant sur la citoyenneté européenne, reprises dans une directive indiquant que tous les citoyens de l’Union sont égaux en droits dans chacun des Etats membres, y compris en ce qui concerne les droits sociaux. En tant que pays non membre, la Suisse ne souhaite pas reprendre ce principe.

Quand on rompt des négociations de manière unilatérale, on doit être sûr de sa force. Quelles sont les forces de la Suisse ?

Notre force primordiale est la stabilité, pour laquelle la Suisse est d’ailleurs réputée dans le monde entier. Et pour sa lenteur, qui va de pair. Selon nous, accepter de céder sur cette notion élargie de libre circulation et sur la protection de nos salaires aurait mis en jeu la stabilité de notre pays, c’était un prix trop élevé à payer. Mais ce n’est pas une rupture pour autant, car la force du partenariat entre Berne et Bruxelles reste intacte.

Comment ?

Nous ne sommes pas un pays lointain qui parle une autre langue, avec une culture et des valeurs différentes. Nous sommes au centre d’un espace européen où l’on parle français, allemand et italien, exactement comme chez nous. D’une certaine manière, nous sommes vous, et vous êtes nous. La Suisse fait partie d’un espace de valeurs communes qui ne disparaîtra pas parce que l’accord en question n’a pas pu être conclu. Nous souhaitons même le renforcer.

Pourquoi la Suisse espérait-elle que l’UE accepte de lui concéder des exceptions au droit communautaire ?

C’est justement la raison pour laquelle nous ne sommes toujours pas membres de l’Union, alors que nous nous trouvons géographiquement en plein milieu de l’Europe ! La forme d’intégration qu’on nous proposait avec cet accord-cadre allait trop loin pour ne pas heurter l’identité du pays. Il ne s’agit pas que d’un raisonnement économique ou d’une simple question coût-bénéfice. Comprenez : en ne poursuivant pas les négociations, la Suisse ne fait pas un pas en arrière. Elle a simplement renoncé à aller de l’avant. Nous souhaitons rester sur le concept de liberté de circulation que nous avons signé en 1999. Non membres de l’UE, nous estimons cette position logique.

Il vous reste 50.78% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source

L’article Ignazio Cassis : « La Suisse refuse de concéder des abandons de souveraineté sur la libre circulation » est apparu en premier sur zimo news.