Réservé à nos abonnés
AnalyseAprès la guerre de Gaza, l’organisation palestinienne bénéficie d’un sursaut nationaliste. Mais ses marges de manœuvre restent étroites.
Tendu, intense, Yahya Sinouar baise un à un le front des proches des « martyrs ». Sur la pelouse du stade de football Yarmouk, à Gaza, lundi 24 mai, le chef du mouvement islamiste armé dans l’enclave rend hommage à leurs morts et fait démonstration d’humilité : il les enlace, refuse à grands gestes qu’ils ne l’embrassent les premiers.
Cet homme maigre à la fine barbe blanchie, aux yeux caves, ne prendra pas le micro. En dépit du cessez-le-feu qui a mis fin à onze jours de guerre, le 21 mai, il demeure une cible, selon les autorités israéliennes. Sur l’estrade, M. Sinouar se contente d’étreindre rapidement le petit-fils d’un ingénieur chargé du développement des roquettes du Hamas, Jamal Zebda, tué dans un bombardement. Il plaque la petite main de l’enfant sur la crosse de la mitraillette dont on l’a affublé et la lève au ciel, offrant aux photographes une parfaite image de martyrologie armée.
Yahya Sinouar, le chef du mouvement islamiste armé, lors de la cérémonie organisée par le Hamas pour les combattants tués par les frappes de l’aviation israélienne, au stade de football Yarmouk, à Gaza, le 24 mai 2021. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE »
Elle est loin cette année 2018 où M. Sinouar, à peine en poste, affirmait à la presse étrangère qu’il était prêt « à investir dans la paix et l’amour. » Cet ancien des Brigades Ezzedine Al-Qassam, le bras armé du Hamas, qui a passé vingt-trois ans dans les prisons israéliennes, entendait négocier une trêve de longue durée – dix ans, quinze ans – contre la levée du blocus israélo-égyptien en raison duquel Gaza meurt à petits feux depuis 2007.
Aujourd’hui, le Hamas a repoussé ses efforts de « normalisation », revenant à ce qu’il fait le mieux : la guerre. C’est un immense gâchis. Mais c’est aussi un pari. Le mouvement a saisi une opportunité en tirant une salve de roquettes sur Jérusalem, le 10 mai, après une vague de répression policière massive sur l’esplanade des Mosquées, à la fin du ramadan. « Il était impossible de savoir alors combien de temps la guerre allait durer », soupire Ghazi Hamad, membre du bureau politique du Hamas, fraîchement sorti des abris. « Mais nous ne pouvions laisser Israël empoisonner l’atmosphère, provoquer les Palestiniens partout. »
Sursaut nationaliste
Dès les premiers jours, le mouvement a évoqué une trêve avec les médiateurs égyptiens. « Nous n’étions pas prêts à cette escalade », estime Bassem Naïm, un cadre du Hamas, ancien ministre de la santé à Gaza. Quelque 250 morts gazaouis et 12 victimes israéliennes plus tard, tel est le résultat : « Le Hamas a énormément gagné dans cette guerre, cela se verra à long terme. Il a créé un sursaut de fierté populaire à Gaza, et il est beaucoup mieux accepté parmi les Palestiniens hors de l’enclave », estime l’analyste indépendant Omar Shaban, à Gaza.
Il vous reste 67.32% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
L’article Le Hamas veut tirer profit de sa résistance face à Israël est apparu en premier sur zimo news.