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Au Xinjiang, une purge féroce et systématique de l’élite ouïgoure a commencé dès 2016

Manifestation pour appeler la Maison Blanche à mettre fin aux échanges commerciaux avec la Chine pour faire cesser l’oppression des ouïgours et d’autres minorités, le 14 août 2020, à Washington. CHIP SOMODEVILLA / GETTY IMAGES VIA AFP

Quand elle a appris, à l’hiver 2020, que son frère avait été condamné à quinze ans de prison au Xinjiang, Rayhan Asat, une Ouïgoure qui exerce comme avocate à Washington après des études de droit à Harvard, a vu ses pires craintes se confirmer. Jeune patron d’une plate-forme multimédia à Urumqi appelée Bagdax, qui diffusait de la musique et des actualités traduites du mandarin, Ekpar Asat, 35 ans, avait disparu peu de temps après être rentré, en mars 2016, d’une invitation de trois semaines aux Etats-Unis dans le cadre de l’International Visitor Leadership Program, un programme du département d’Etat qui invite des personnalités prometteuses du monde des affaires ou de la politique.

Mme Asat a commencé à parler publiquement de son frère quand il est devenu évident qu’une entreprise de persécution systématique était à l’œuvre au Xinjiang. Puis, à sa demande, des sénateurs américains ont interrogé l’ambassade de Chine aux Etats-Unis, fin 2019 : celle-ci leur a alors révélé, dans un courrier, la sentence et un prétendu motif, « incitation à la haine raciale », devenu un an plus tard, à la suite d’une nouvelle demande d’une représentante du Congrès américain incrédule, « incitation au séparatisme ».

En février, cette année, les parents Asat, d’anciens fonctionnaires communistes à la retraite, ont pour la première fois pu voir leur fils, par l’intermédiaire d’un lien vidéo. « Je me suis demandé si c’était à cause de mes efforts qu’il a été si mal traité, raconte leur fille. Lors de l’échange vidéo de trois minutes, il semblait être l’ombre de lui-même, montrant clairement des signes de souffrance, il avait perdu beaucoup de poids, était très pâle, avec des taches noires sur le visage, en raison des mauvais traitements physiques et mentaux. Nous avons alors appris qu’il avait été transféré dans un pénitencier à Aksu, loin d’Urumqi, en janvier 2019 et que, depuis lors, il était maintenu à l’isolement. »

« Frappes préventives »

Avant d’être distingué par les Américains, Ekpar Asat faisait partie des figures ouïgoures montantes du Xinjiang. Juste avant son voyage, il avait organisé un tournoi de boxe entre la Chine et des pays d’Asie centrale avec la bénédiction du gouvernement de la région autonome. Il fut même invité au gala officiel du Nouvel An chinois à Urumqi, en février 2016, l’un des rares Ouïgours à l’avoir été.

Son cas est pourtant loin d’être unique : plusieurs centaines de membres de l’élite ouïgoure – des intellectuels, mais aussi des religieux et des entrepreneurs – ont été arrêtés et lourdement condamnés à de la prison dès 2016, soit juste avant ou pendant les premiers mois de la campagne d’internement de masse au Xinjiang – dont on estime qu’elle a envoyé, à ce jour, entre 1 et 3 millions de Ouïgours dans des camps de rééducation.

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